mercredi 11 décembre 2024

S comme SIAT Alphonse ou Savoir lire une fiche matricule

Ainsi que je l’ai expliqué dans l’article précédent (ICI), je n’avais aucun espoir de retrouver la fiche d’un soldat alsacien. Mais comme la pugnacité – une qualité indispensable pour pratiquer la généalogie – paye toujours, j’ai trouvé la fiche matricule de Alphonse.

Je suis une arrière-petite-fille d'un cousin au 5e degré d'Alphonse SIAT ; c’est dire si c’est un cousin lointain, mais un cousin tout de même…

Je vais utiliser la fiche matricule de Alphonse SIAT, retrouvée grâce au site Le Grand Mémorial ; au premier abord, elle me semble très obscure puisqu’elle affiche « ANOM », c’est-à-dire Archives Nationales d’Outre-Mer : qu’allait donc faire un alsacien dans cette galère….

Je vais donc la déchiffrer pas à pas pour mieux la comprendre. Je note une faute dans le nom de famille : mais comme j’ai de suite vérifier la filiation, je suis sûre qu’il s’agit bien de mon lointain ancêtre.

Lorsque le nom d'un soldat est barré sur une fiche matricule, cela signifie que le soldat est décédé avant d'avoir pu effectuer son service militaire, soit au combat, soit plus tard. Cette pratique permettait à l'administration militaire de marquer les dossiers des conscrits décédés et d'organiser les informations de manière appropriée. 

Le numéro matricule de recrutement (ici 1734) est un identifiant unique attribué à chaque conscrit lors de son inscription au service militaire ; ce numéro permet de suivre et de gérer les dossiers des appelés de manière organisée ; il est utilisé pour classer les conscrits par année de recrutement et par bureau de recrutement.

la classe de mobilisation indique l'année à laquelle le conscrit a été mobilisé pour le service militaire ; elle est déterminée par l'année de naissance du conscrit ; cette information va nous aider à comprendre le contexte de l'incorporation de l'individu dans l'armée et retracer son parcours militaire.

Rappelons que le service militaire obligatoire en France a commencé à l'âge de 20 ans avec la loi Jourdan-Delbrel, adoptée le 5 septembre 1798. Cette loi a instauré la conscription universelle et obligatoire pour tous les hommes âgés de 20 ans. Par contre, sous l’Ancien Régime, le service militaire était principalement composé de professionnels, de mercenaires et de nobles ; en cas de besoin, le roi pouvait lever des troupes parmi ses sujets par tirage au sort. Cette « milice » était très inégalitaire dans la mesure où certains fortunés pouvaient payer pour qu’une personne le remplace.

Né en 1878, Alphonse aura 20 ans en 1898, il appartient donc à la classe 1898… ah ben non. Et pourquoi ? Parce qu’il s’est engagé et naturalisé français.

Alphonse est né durant l’annexion de l’Alsace ; ses parents ont fait le choix de rester sur le territoire devenu allemand. A ses 18 ans, il a pu effectuer son service militaire bien qu’il ne soit pas encore majeur ; car face à des tensions internationales croissantes et à la nécessité de renforcer ses forces armées, la France ne refusait jamais des volontaires.

Alphonse est mobilisé à Bel Abbès, centre militaire et administratif  ; en 1896, l'Algérie était une colonie française depuis plus de 60 ans. La population européenne et indigène vit sous un régime colonial strict, avec des efforts constants pour développer l'infrastructure et l'économie locale. 

L'économie reposait essentiellement sur l'élevage et l'exploitation minière, avec des projets d'irrigation et de construction de routes pour soutenir le développement. En Alsace, Alphonse a appris le métier de tailleur de pierres, comme son père.

Le signalement donne une description physique approximative d’Alphonse : un gaillard de 1,71 m (assez grand pour l’époque), aux cheveux et aux sourcils châtains ; ses yeux sont gris.

Mais ces détails sont très subjectifs : une « bouche moyenne » mais par rapport à quoi ? Un nez « ordinaire » qu’est ce que c’est ? Un menton « rond » signifie peut-être qu’il n’est pas « en galoche »...

Aucune marque particulière n’est mentionnée ; c’est ici que sont souvent inscrits les tatouages, les cicatrices ou d’éventuelles « anomalies ».

Son niveau d’instruction n’est pas inscrit….

Un tailleur de pierres doit savoir couper et façonner la roche avec marteaux et ciseaux ; il doit être capable de soulever et déplacer des blocs de pierre très lourds ; il doit savoir aussi sculpter et polir la surface des pierres pour obtenir un fini lisse et esthétique.

Alors, je ne sais si Alphonse savait lire, écrire ou compter, mais ces connaissances devaient être indispensables pour lire et comprendre les plans et les dessins techniques, effectuer des calculs de base pour mesurer et estimer les quantités de matériaux nécessaires.

Dans son village natal, à Niederhaslach, Alphonse a appris à tailler le grès, la pierre de la région, pierre dont est notamment constituée la célèbre collégiale Saint Florent.

La décision du conseil de révision précise le type d’affectation ; Alphonse est engagé comme volontaire ; c’est également dans cette partie que sont mentionnées les exemptions, s’il y en a.

Dans la colonne de droite, sont inscrits les régiments dans lesquels Alphonse a été mobilisé : « 1er Etranger » c’est-à-dire la Légion Etrangère.

La Légion Étrangère avait une réputation de corps d'élite, connu pour son courage et son esprit de sacrifice, ce qui attirait de nombreux jeunes hommes en quête de reconnaissance et d'aventure : servir dans la Légion Étrangère offrait une opportunité de s'engager dans des missions variées, allant de la construction de routes et de fortifications à la participation à des opérations militaires. Mais la Légion Étrangère a spécifiquement été créée pour accueillir des volontaires étrangers désireux de servir la France, qui avait d’ailleurs besoins de renforts pour ses colonies. Or Alphonse est de nationalité allemande.

Un soldat peut être affecté :

  • dans l’armée active : cette période fait référence à son aptitude au service actif ; mobilisé, il doit servir dans l’armée pour une durée de 2 à 8 ans, selon les lois en vigueur à l'époque

  • dans la disponibilité ou la réserve de l’armée active : à la fin de son service, le jeune soldat passe en disponibilité ; il n'est plus en service actif mais doit être prêt à être rappelé en cas de besoin immédiat ; cela peut durer quelques années et varie selon les lois et les besoins militaires ; il peut cependant être rappelé pour des exercices, des entraînement en cas de mobilisation générale

  • dans l’armée territoriale et sa réserve : cette dernière catégorie est composée d'anciens soldats ayant déjà servis dans l'armée active et sa réserve.

Dans cette colonne de droite, sont également mentionnées les différentes communes où Alphonse a vécu. Je note qu’en 1902 et 1903, il résidait au 34 rue des Dominicains à Nancy.

Je m’empresse de regarder dans les recensements de cette commune dans les AD 54 et je ne trouve rien… en 1901 il devait encore être en Algérie, à Sidi Bel Abbès, et en 1906, il a dû rentrer à Niederhaslach.

Je dois désormais attaquer la partie centrale Détail des services et mutations diverses pour connaître ses régiments successifs, avec les dates de campagne et d’affectations, changements de grade…

mais cette suite fera l’objet d’un nouvel article pour demain !

*

Pour en savoir plus :

Utiliser les archives militaires : comprendre le service militaire - Apprendrela généalogie

1er régiment étranger | Ministère des Armées et des Ancienscombattants

Historique du 1er Régiment Etranger | French Foreign Legion Information

Sidi-bel-Abbès : capitale légionnaire | Cairn.info

La Caserne du 1er Étranger – Bâtiment central. Photo Albert –NLLegioen

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire