samedi 14 décembre 2024

HK - L'histoire de GUY BRUN, l'enfant perdu sous l'Occupation de Chochana BOUKHOBZA

Lorsque j’ai ouvert ce livre, je m’attendais à y trouver l’histoire romancée d’un secret de famille, d’un mystère sur une naissance. Guy BRUN a 40 ans lorsqu’il retrouve sa mère Helen Kalmus. juive autrichienne, réfugiée en France, en 1938. Mais cette mère, si adorée, si attendue, décède sans révéler ses secrets.

« Guy est mis face à ces questions. Un autre que lui serait peut-être tombé dans le piège. Mais il voue à Helen, depuis des décénnies, une véritable adoration. Rencontrer sa mère, savourer enfin le mot « maman », suffit à son bonheur. Il ne cherchera pas à comprendre pourquoi il a été abandonné. Il ne lui fera aucun reproche, ne demandera pas de comptes, n’aura jamais un mot de trop ou de travers. »

Ce livre est le résultat d’une véritable enquête menée pour connaître la vérité. Et quelle vérité ! Et quelle enquête rondement menée ! Un récit richement documenté comme je les aime !

« HK, l’histoire de Guy Brun, l’enfant oublié de l’Occupation » est une histoire vraie. C’est un témoignage poignant qui retrace la quête personnelle de Guy Brun pour découvrir ses origines et comprendre son passé : durant de trop longues années, Guy ne sait rien de ses parents biologiques.

L’auteure s’appuie donc sur des faits historiques et des recherches approfondies pour raconter l’histoire de cet enfant, élevé par Mademoiselle Brun aux côtés des frères Finaly.

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Chochana BOUKHOBZA est une écrivaine française d’origine tunisienne. Née le 2 mars 1959 à Sfax, en Tunisie, elle a émigré en Israël à l’âge de 17 ans et a étudié les mathématiques avant de se consacrer à la littérature. Elle est notamment connue pour son premier roman, « Un été à Jérusalem », qui a reçu le prix Méditerranée en 1986. Son second roman, « Le Cri » a été finaliste pour le prix Femina en 1987. En plus de ses romans, elle a écrit plusieurs scénarios et réalisé des documentaires principalement sur le thème de la Shoah :

    • « Un billet aller-retour » (2005) sélectionné au festival de Jérusalem en décembre 2008,

    • « Les petits héros du ghetto de Varsovie » (2014) traite avec sensibilité du thème encore peu abordé des enfants du ghetto dans la Varsovie occupée ; il a été sélectionné au Festival international du film d’histoire de Pessac en novembre 2014,

    • « Rawa Ruska, les évadés témoins de la Shoah » (2015) retrace l’histoire du camp de Rawa Ruska en Galicie, dans l’actuelle Ukraine ; environ 24 000 prisonniers de guerre français et belges y furent internés pour avoir tenté de s’évader, refusé de travailler ou avoir été reconnus coupables de sabotage,

    • « Un kinderblock à Birkenau » (2020) raconte l’histoire inédite et inconnue du grand public à travers le prisme de dessins originaux que nous avons animés

    • « Terezín, l’imposture nazie » est l’histoire du camp-ghetto de Terezín à travers les textes et dessins réalisés dans le camp par des enfants et des artistes avant qu’ils ne soient déportés vers Auschwitz.

Ces documentaires offrent un aperçu précieux et émouvant de l’histoire de la Shoah.

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Outre un aperçu de la vie sous l’occupation en France, ce récit met en lumière des aspects souvent méconnus de cette période de l’Histoire ; l’affaire Finaly, la congrégation de Notre-Dame de Sion, l’histoire de Limoges et de Grenoble, des situations, qui inévitablement incitent à la réflexion…..

Vous pensez bien que j’ai également fait mes petites recherches, d’autant plus que l’auteure a ajouté de très nombreuses annotations sur l’histoire et le législatif pour aider le lecteur à une meilleure appréhension de la situation.

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L’affaire Finaly se déroule en France de 1945 à 1953

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le couple Fritz Finaly (médecin juif autrichien) et sa femme Anni se réfugient en France pour échapper à l’Anschluss (l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie en 1938). Ils vivent à La Tronche, près de Grenoble, et donnent naissance à deux enfants : Robert en 1941 et Gérald en 1942. Sentant le danger, Anni et Fritz cachent leurs deux enfants à la pouponnière Saint-Vincent de Paul à Meylan. Les parents sont déportés et tués dans le camp Auschwitz-Birkenau. Les enfants sont alors placés chez une tutrice catholique qui, à la Libération, refuse de les rendre à leur famille proche sous prétexte qu’ils ont été baptisés.

L’affaire Finaly est l’une des plus largement médiatisées et commentées, mais elle n’est pas isolée. D’autres enfants ont été au cœur de luttes similaires, bien que moins connues du grand public. De nombreux enfants juifs ont été cachés dans des familles ou des institutions catholiques pour les protéger de la déportation. Après la guerre, certains de ces enfants ont été baptisés et élevés dans la foi catholique, ce qui a parfois conduit à des conflits juridiques et émotionnels lorsqu’il s’agissait de les rendre à leurs familles biologiques ou à la communauté juive.

Ces situations ont souvent mis en lumière les tensions entre les autorités religieuses et les communautés juives, ainsi que les défis liés à la restitution des enfants à leurs proches survivants.

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La congrégation de Notre-Dame de Sion

La Congrégation de Notre-Dame de Sion a une histoire riche et intéressante à Grenoble.

Les frères Ratisbonne, Théodore et Alphonse, sont les fondateurs de la Congrégation de Notre-Dame de Sion. Nés dans une famille juive à Strasbourg, ils se sont convertis au catholicisme et sont devenus prêtres catholiques au milieu du 19ème siècle.

Théodore Ratisbonne est né en 1802 et son frère Alphonse en 1814 Après la mort de leur mère, Théodore a passé beaucoup de temps à lire des textes philosophiques pour trouver un sens à sa vie. Il a étudié le droit à Paris et à Strasbourg, puis a renoncé à son statut d’avocat pour s’occuper des écoles ouvertes par son père pour les familles juives pauvres d’Alsace.

En 1827, Théodore a été baptisé et a commencé des études en vue du sacerdoce. Il a été ordonné prêtre en 1830 et a consacré beaucoup de temps à l’enseignement.

La Congrégation de Notre-Dame de Sion a été fondée en 1843. Elle a d’abord été fondée dans le but de convertir les Juifs au christianisme, mais a radicalement changé d’orientation à partir du concile Vatican II (1962-1965) et de la déclaration Nostra Ætate. Dans le monde catholique, elle est devenue l’un des principaux acteurs du dialogue avec le judaïsme, dans le respect de cette religion et en excluant toute volonté de conversion.

« L’une des prières de Notre-Dame-de-Sion est : Père, pardonnez-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ».

En 1941, pendant la Seconde Guerre mondiale, les relations entre le catholicisme et le judaïsme étaient complexes et marquées par l’histoire.

Le judaïsme et le christianisme, dont le catholicisme est une branche, partagent un fondement commun dans la Bible hébraïque, que les chrétiens nomment Ancien Testament. Cependant, un processus de séparation s’est opéré graduellement entre ces deux religions à partir du IIe siècle, marqué jusqu’au XXe siècle par des ruptures de plus en plus profondes.

Pendant près de vingt siècles, le christianisme a adhéré à la théologie de la substitution, selon laquelle le peuple d’Israël autrefois choisi par Dieu est maudit parce qu’il a rejeté Jésus-Christ. Selon cette doctrine, le judaïsme n’a plus de valeur en soi et n’est plus que l’imparfaite préfiguration de l’Église triomphante, qui se substitue à Israël et devient le nouveau « peuple élu ».

Sous l’occupation, l’Église catholique, malgré certaines voix dissidentes, a largement gardé le silence face aux persécutions des juifs. Avec l’avènement au pouvoir du maréchal Pétain, elle se retrouve dans une grande proximité avec le nouveau chef de l’État et le nouveau gouvernement.

Elle doit prendre position sur la persécution des Juifs, le Service du travail obligatoire (STO) et la Résistance ; elle est soumise à une forte pression qui va jusqu’à la persécution, de la part des gouvernements fascistes et nazis qui la mettent sous surveillance et n’hésitent pas à arrêter et déporter certains de ses prêtres voire évêques.

Si au début de la guerre le pape Pie XI comme Pie XII prennent la parole pour condamner assez clairement le gouvernement d’Hitler, très vite, Pie XII se tait et s’abstient de toute critique directe pour agir dans le secret. Ce silence, surtout concernant la Shoah sera l’objet de polémiques après guerre et encore aujourd’hui.

Mais il est important de noter que malgré le contexte difficile, de nombreux prélats et religieux s’investissent pour résister à l’occupant et aider les juifs.

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Un allemand de race

Ce livre est un donc un récit, qui, tout en se concentrant sur l’histoire de la Seconde Guerre aide à comprendre les complexités et les tragédies de cette période. Il est des expériences humaines et des dilemmes moraux qui continuent à influencer notre réflexion sur les droits de l’homme, la justice et la mémoire collective.

Ces récits – ces témoignages - sont précieux pour la mémoire historique et pour garantir que les leçons du passé ne soient pas oubliées. Ils contribuent à l’éducation des générations futures et à la promotion d’un avenir où de telles injustices ne se reproduiront pas.

L’idéologie nazie définissait un « allemand de race » en termes de supériorité raciale. Cette idéologie « aryenne » était basée sur l’idée que les caractéristiques, attitudes, compétences et comportements étaient déterminés par les origines raciales de chacun. Tous les groupes, races ou peuples portaient en eux des traits qui se transmettaient immuablement d’une génération à l’autre.

Les nazis croyaient que les Allemands appartenaient à une race biologiquement « supérieure » menacée d’extinction dans sa lutte pour la survie avec les races « inférieures ». Ils considéraient notamment les Juifs comme une menace biologique ; sans aucun fondement scientifique, ils ont toutefois utiliser cette théorie pour justifier des atrocités inhumaines.

Outre les juifs, les nazis considéraient les Africains, les métis, les Roms, les Slaves et d’autres groupes ethniques comme des « sous-humains » et racialement inférieurs. Ces groupes étaient destinés au travail forcé et à l’extermination.

Ce livre est extrêmement bien écrit, riche d’informations, sans langue de droit tout en restant respectueux : c’est un véritable travail d'historien, qui permet à chacun et chacune de peaufiner ses connaissances.

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Pour en savoir plus :

L'église et la synagogue : l'affaire des enfants Finaly | lhistoire.fr

Lumières sur Rhône-Alpes - L'affaire Finaly

L'affaire des enfants Finaly | lhistoire.fr

Affaire Finaly — Wikipédia (wikipedia.org)

L’affaire Finaly : une controverse religieuse ? | Cairn.info

L'affaire Finaly : des faits, des textes, des dates / Rabi | Gallica (bnf.fr)

L’affaire Finaly. Le chemin de croix des enfants volés (radiofrance.fr)

Notre-Dame de Sion - Diocèse de Fréjus-Toulon (frejustoulon.fr)

Histoire –Religieux de Sion

Chronologie historique - Sisters of Our Lady of Sion (notredamedesion.org)

Fabrice Grenard, La France du marché noir (1940-1949), Paris, Payot,2008,351 p., 23€. | Cairn.info

Jules Isaac, celui a transformé les relations entre les juifs et lescatholiques | RCF

Relations entre judaïsme et christianisme — Wikipédia (wikipedia.org)

Victimes de l'époque nazie : l'idéologie raciale nazie | Encyclopédie multimédia de la Shoah (ushmm.org)

La Conférence de Wannsee et la "Solution finale" |Encyclopédie multimédia de la Shoah (ushmm.org)

4687» Dosssiers – Comité Français pour Yad Vashem(yadvashem-france.org)

Grenobleen 1939-1945 (AJPN)

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