Parmi les figures les plus emblématiques de notre histoire se trouvent les bourreaux, ces exécuteurs des décisions de justice, qui ont exercé une profession à la fois redoutée, méconnue et entourée de mystère.
Depuis le Moyen Âge, les bourreaux occupaient une place singulière dans la société. Considérés comme des parias, ils étaient alors « indispensables » au bon fonctionnement de la justice de l’Ancien Régime et des siècles suivants. Leur rôle dépassait souvent celui de simple exécuteur : ils procédaient également à des actes de torture judiciaire, des châtiments corporels, ou encore à des tâches administratives liées à la justice.
La plupart des gens connaissent la longue lignée des « Samson »,célèbre dynastie de bourreaux qui a exercé en France du XVIIe au XIXe siècle. Le premier membre de cette famille à devenir bourreau fut Charles Samson, qui a commencé sa carrière à Rouen en 1675. La famille a ensuite continué à exercer à Paris jusqu'en 1847.
Charles Sanson a épousé Marguerite Jouenne, la fille du bourreau de Rouen, ce qui l'a conduit à entrer dans cette profession. La dynastie des Samson a marqué l'histoire en exécutant des figures célèbres, notamment durant la Révolution française. C’est peu dire si la guillotine a chauffé …..
Contrairement à ce que certains pourraient penser, le métier de bourreau nécessitait un apprentissage spécifique et une connaissance approfondie des techniques d'exécution : la transmission de métier de père en fils assurait donc une préservation des connaissances et des compétences, perfectionnées au fil des générations. Cette continuité permettait une stabilité dans l'exécution des sentences capitales et évitait ainsi des changements fréquents ou des incohérences dans la manière dont les exécutions étaient menées.
A partir de 1870, deux réformes sont mises en application : d’une part, l’échafaud est supprimé, et d’autre part, l’État ne conserve plus qu’un seul exécuteur en chef tandis qu’avant il y avait un bourreau par siège de Cour d’Appel.
Avec le XXème siècle, et particulièrement après la Seconde Guerre mondiale, la peine capitale a progressivement perdu son caractère d'outil judiciaire incontournable. L'évolution des mentalités, la montée des droits de l’homme et les débats politiques ont fini par rendre obsolète cette pratique, reléguant les bourreaux à l’histoire.
L’abolition de la peine de mort a ainsi mis un terme à une profession unique en son genre, profondément enracinée dans l’histoire judiciaire et sociale de la France. Ces hommes, les bourreaux, longtemps à l’ombre des tribunaux, ont aujourd’hui disparu, mais leur rôle mérite d’être connu pour mieux comprendre les évolutions du système judiciaire français.
A défaut d’un pendu ou d’un roi, vous avez peut-être un bourreau dans votre arbre….
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Sous la Révolution française, la guillotine est devenue le symbole de l’égalité devant la mort et l’instrument principal des bourreaux. Des noms comme Charles-Henri Sanson ou Anatole Deibler sont restés dans les mémoires, incarnant une fonction où la technique, la rigueur et le sang-froid étaient essentiels.
Anatole DEIBLER est le premier exécuteur en chef des arrêts criminels. Il sera ensuite suivi de Jules Henri DESFOURNEUX (1877 – 1951), de André OBRECHT (1899 - 1985) et enfin de Marcel CHEVALIER (1921 - 2008).
Anatole DEIBLER était connu pour sa rigueur et son professionnalisme dans l'exercice de ses fonctions. D'ailleurs, dans ses carnets, il a tout scrupuleusement bien noté.
Fidèle à son devoir, il ne se déplaçait jamais sans sa guillotine, outil indispensable à son métier. Celle-ci l'accompagnait lors de chacun de ses déplacements, soigneusement démontée, transportée dans des caisses et réassemblée sur place par ses soins ou avec l'aide de ses assistants. Cette précaution garantissait que l'exécution puisse être réalisée sans encombre, selon un rituel bien rodé. Pour Deibler, la guillotine représentait à la fois un symbole de sa mission et un instrument technique qu’il devait maîtriser à la perfection.
La guillotine était surnommée « la veuve » en raison de sa capacité à « épouser » les condamnés, c'est-à-dire à les séparer définitivement de leur vie. Ce surnom met en avant l'idée que la guillotine « prend » les personnes pour les tuer, tout comme une veuve perd son mari.
Ce surnom est également une métaphore funeste qui reflète la finalité et l'irréversibilité de la peine de mort.
Anatole DEIBLER est né le 30 novembre 1863 à Rennes en Ile-et-Vilaine.
Descendant d'une longue lignée de bourreaux, Anatole Deibler eut une carrière aussi longue que prolifique : en 54 ans, il exécuta près de 400 personnes parmi lesquelles plusieurs grandes figures du crime ; même s’il demeure le bourreau le plus célèbre, il n’en demeure pas moins le « gardien d’un horrible rituel médiéval transposé dans le monde moderne de l’automobile, des avions, de l’industrialisation et des médias de masse ».
En étudiant le personnage d’Anatole Deibler, figure emblématique d’un métier sinistre et controversé, j’ai plongé dans une époque où la peine capitale incarnait encore l’autorité suprême de l’État. Mais au-delà du personnage et de l’histoire, il convient de rappeler que la guillotine, perçue à tort comme un symbole d’humanisation de la justice, reste avant tout un acte de barbarie. Elle témoigne d’un temps où l’on croyait résoudre les maux sociaux par le sang. Aujourd’hui, ce chapitre sombre de notre histoire nous invite à réfléchir sur la valeur de la vie humaine et sur les dérives possibles d’une justice aveugle.
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Pour en savoir plus :
Peine de mort en France — Wikipédia
Généalogie d'une famille ordinaire: Monsieur de Paris de EmmanuelROBERT-ESPALIEU
Abolition de la peine de mort en France : chronologie | vie-publique.fr
La peine de mort en France : Deux siècles pour une abolition(1791-1981) 1/3 | Criminocorpus
Les dynasties de bourreaux, exécuteurs de pères en fils | FranceCulture
La guillotine, une invention humaniste? | France Culture
La famille Sanson, bourreaux de père en fils (Un jour de plus à Paris)
Généalogie d’Anatole Deibler (Geneastar)
Le voyage de la veuve | Film français complet - YouTube
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