mercredi 11 décembre 2024

M comme MATHE, les soldats MATHE

Il y a d’abord le père, François Damien, originaire de Lens, dans le Pas-de-Calais ; sa lointaine famille est descendue du Hainaut belge pour s’installer en France, à la recherche d’une vie meilleure pour sa famille.

Je suis une descendante à la 4ème génération d'un cousin de François Damien MATHE. En effet, il est le neveu d’Éléonore Hortense MATHE, la mère de mon AAgrand-père maternel et mon SOSA 49.

Nous voici donc au cœur du bassin minier lensois.

En 1868, François Damien a 21 ans et il a épousé Henriette Félicité Louise GRILHOT, une lingère arrageoise avec qui il aura deux filles, Élise née deux ans avant l’union de ses parents puis Marie Thérèse. Malheureusement, Louise décède le 24 octobre 1871 ; François Damien se retrouve seule avec deux enfants âgés respectivement de 6 et 2 ans.

Le 27 février 1872, François Damien épouse Angeline Marie Joseph POCHON, une tisseuse en soie originaire de Favreuil, petit village de l’Artois situé au sud de Lens. La famille « reconstituée » s’installe chez un oncle maternel de François Damien.

Le couple aura 11 enfants dont 7 garçons :

1/ François, né en 1874 – donc 40 ans en 1914 – mineur, niveau d’instruction 2 sur sa fiche militaire ; son service militaire sera suspendu au regard de l’article 21 : « Les dispenses sont définies comme la possibilité légalement accordée à certains jeunes hommes en âge d'être incorporés de n'accomplir qu'une partie de leurs obligations militaires en fonction de critères essentiellement sociaux ( art. 21 et suivants de la loi du 15 juillet 1889). Les déficits constatés au cours des premières années du XXè siècle entraînent un durcissement progressif des conditions de dispense, évolution sanctionnée lors de l'adoption de la loi des 3 ans. A partir de 1915, les besoins croissants en personnels entraînent un jeu subtil entre administration militaire, services chargés de la mobilisation industrielle et Parlement pour lutter contre " l'embuscage" et faire participer chacun selon ses capacités ou ses difficultés à la défense nationale »,(https://forum.pages14-18.com/) ; il a toutefois fait ses classes en qualité de « garde champêtre » à Lens,

2/ Louis Joseph, né en 1878 – donc 36 ans en 1914 – mineur, niveau d’instruction 3 sur sa fiche militaire ; tout d’abord enrôlé dans le 37ème RI, il est mis à disposition des mines du Bruay à dater du 12 juillet 1915 jusqu’en 1919,

3/ Moïse, né en 1880 – d onc 33 ans en 1914 - mineur, niveau d’instruction 3 sur sa fiche militaire ; son service militaire est ajourné pour « faiblesse et bronchite chronique » ; il est envoyé dans l’Allier avec le 22ème RI puis en sursis aux mines de Blanzy à dater du 22 mars 1915 ; mais Moïse ne se rendra pas à Blanzy mais au Magny, à Montceau-les-Mines, à environ 4 kms plus au sud ; il sera ensuite envoyé à la 22ème section de C.O.A (Commis et Ouvriers d'Administration), corps militaire chargé de diverses tâches administratives au sein de l'armée française ; il ne reviendra à Lens qu’en 1925...

4/ Alexandre, né en 1881 – donc 33 ans en 1914 – surveillant aux mines à la fosse 4, niveau d’instruction 3 sur sa fiche militaire ; il porte une cicatrice sur le bord gauche du trapèze – certainement une blessure par écrasement ou pincement dans la mine - il est envoyé au 127ème RI : la bataille de Guise, la bataille de la Marne, le fortin de Beauséjour, Hennemon et tant d’autres encore... Blessé le 22 février 1916 sur Verdun, par un éclat d’obus dans cette même épaule déjà douloureuse, il est évacué et « rentre au dépôt jusqu’au 12 mai » ; le 16 juin 1916, il est placé en sursis à Noeuds les mines ; ne croyez pas qu’il soit en « repos » ; les métiers de la mine sont essentiels pour l'économie du pays, et malgré la douleur, Alexandre a continué de travailler, avec des allers et retours à l’infirmerie ; il ne sera démobilisé que le 7 septembre 1919 et n’aura de cesse de faire valoir ses blessures pour enfin dégagé de toutes obligations militaires en 1937 ; il obtiendra une invalidité à 25 % le 31 octobre 1928 : dix ans pour faire comprendre à l’Administration qu’il subissait des séquelles de sa blessure par éclat d’obus de la région de l’épaule gauche, une cicatrice au niveau du trapèze qui atrophiait ses muscles, lui provoquant des névralgies terribles ; de plus une gêne considérable dans les « mouvements d’élévation et de rétro pulsion et rotation de la tête » l’handicapait dans son quotidien…

5/ Eugène, né en 1883 – donc 31 ans en 1914 – dispensé de service militaire puisque son frère aîné était déjà affecté (article 42 de la loi de recrutement de 1913 concernant les exemptions et sursis) est envoyé aux Chemins de Fer du 2 août 1914 jusqu’au 20 mars 1919 ; marié, deux enfants, il divorcera le 23 décembre 1919,

6/ Georges, né en 1887 – donc 27 ans en 1914 - mention « astigmate » et niveau d’instruction zéro sur sa fiche militaire ; enrôlé au régiment d’infanterie de Béthune, il est mis en sursis aux mines de Noeux le 23 février 1915, et on sait que les conditions de vie des mineurs sont terribles….

7/ Arthur Albert, né en 1890 – donc 24 ans en 1914 – est « professeur de gymnastique diplômé » dans la vie civile ; durant ses classes, il avait intégré le 33ème RI ; à la mobilisation générale, il retourne dans ce même régiment où il avait été promu « caporal instructeur » et orienté vers l’École Préparatoire d’Infanterie de Montreuil S/Mer.

Créée en 1886, cette école faisait partie des six écoles militaires préparatoires spécialisées pour former les futurs engagés de l'armée française ; les élèves y accédaient dès l'âge de 14 ans et y restaient jusqu'à leur engagement à 18 ans.

Lors de la mobilisation générale, il retourne au 33ème RI, à Arras ; il est directement envoyé dans les Ardennes. Le 18 septembre 1914, Arthur Albert est blessé d’une balle dans la jambe droite, à Betheny.

Bétheny est une petite commune de la Marne ; elle a été l'un des premiers villages touchés par les combats ; par ailleurs, des recherches archéologiques ont révélé des fosses contenant les corps de soldats allemands tués lors des premiers jours de la guerre, probablement autour du 17 ou 18 septembre. Ces fosses étaient organisées en deux lignes sur une longueur d'environ 60 mètres ; les tranchées où ces soldats ont été enterrés ont été détruites par des obus, pulvérisant les corps ; ces découvertes offrent un aperçu poignant des premiers jours de cette guerre particulièrement violente, avant que le front ne se stabilise et que la guerre de tranchées ne commence.

Il bénéficie de soins et retourne sur le front….

Le 10 mars 1915, il reçoit un éclat d’obus dans cette même jambe droite, à Mesnilles Hurlus ; pour lui, la campagne compte double du fait de sa blessure ; il est rapatrié à Angers au 6ème régiment de génie.

Pour les faits de guerre, il aura deux médailles :

- La médaille interalliée dite « de la Victoire »

- La médaille commémorative de la Grande Guerre.

François Damien MATHE ne connaîtra pas le devenir de ses garçons, puisqu’il décède en 1902.

Il ne connaitra pas la détresse de son épouse lorsque les hommes sont partis la « fleur au fusil » mais qu’en pensaient les mères, les femmes, les sœurs, de voir partir ces hommes, sans garantis qu’ils reviennent un jour…

Qu’elles se nomment Angélique, Malvine, Séraphine, Henriette, Julia ou bien Berthe, toutes ont vécu la mobilisation de 1914 dans une profonde détresse. Voir partir un fils, un mari ou un frère pour le front était une épreuve douloureuse. Chaque départ était une déchirure et chaque absence un supplice. La guerre signifiait l’attente insupportable, la peur constante de recevoir un télégramme funeste annonçant la perte d’un être cher.

Ces femmes se retrouvaient souvent seules pour gérer les affaires familiales ; et malgré leur chagrin, elles devaient continuer à vivre, à soutenir les plus jeunes et à survivre dans un monde où l’absence des hommes devenait leur lot quotidien.

Toutes ont prié pour le retour de leurs fils, leurs frères ou leurs maris tout en sachant que beaucoup ne reviendraient jamais, ou, s’ils revenaient, porteraient en eux les traces ineffaçables de l’horreur des combats. Car chaque jour autour d’elle, des pleurs, des cris, des hurlements de douleur, accompagnaient l’annonce d’une terrible nouvelle.

Contrairement à de nombreuses voisines, Angeline a vu revenir ses fils un à un…. Pour les poilus, rentrer signifie d’abord retrouver une vie qui semble, à première vue, n’avoir rien à voir avec celle des tranchées. Ils redécouvrent les rues de leur ville, des visages familiers, des lieux autrefois aimés, mais ressentent un curieux sentiment d’étrangeté et d’inconnu. Les femmes, elles aussi, ont du mal à reconnaître ceux qui reviennent : elles retrouvent des hommes changés, souvent vieillis avant l’âge, au regard hanté, à la santé fragile, et surtout à l’esprit tourmenté par les souvenirs des batailles et des camarades disparus. Quelquefois, les enfants ont peur de ces hommes qu’ils ne reconnaissent pas….

Pour ce fils tant attendu, le retour est aussi un choc : il a vécu des années dans un monde où la mort, la peur et l’instinct de survie dominaient. Il lui est difficile de reprendre sa place dans une société qui a évolué sans lui, et où son expérience de la guerre est incompréhensible pour ceux qui n’ont pas vécu le front. Beaucoup souffrent en silence, incapables de partager leur vécu avec des mots : on ne les croirait pas... Certains sont atteints de ce que l'on appelle aujourd’hui le « syndrome du choc post-traumatique » ; ils sont meurtris physiquement, avec des blessures visibles, mais aussi mentalement, hantés par les souvenirs de leurs camarades tombés à leurs côtés et les visions d’horreur qui peuplent encore leurs nuits.

Les poilus savent que leur expérience les a irrémédiablement changés, souvent en laissant une fracture béante entre le passé et leur avenir. Pour beaucoup, le repos ne sera jamais complet : le choc de la guerre laissera en eux une trace indélébile, visible ou invisible ; le silence sera souvent leur seul refuge.

Car on ne peut pas expliquer l’innommable….

*

Pour en savoir plus :

Bulletin des lois de la République française | 1889-07-01 | Gallica (article 21)

Bulletindes lois de la République française | 1889-07-01 | Gallica (article 23)

L'offensive du bois de la Folie, septembre 1915 - Forum PAGES 14-18

Bapaume, enjeu stratégique - 1916 - A l'écoute des témoins - A l'écoutedes témoins - Chroniques de la Grande Guerre - Découvrir - Archives- Pas-de-Calais le Département

Section de Commis et d'Ouvriers Militaires d'Administration - 1914-1918 —Geneawiki

Rapport sur le moral des civils - 1916 - A l'écoute des témoins - Al'écoute des témoins - Chroniques de la Grande Guerre - Découvrir- Archives - Pas-de-Calais le Département

Éloge des efforts des mineurs - Nœux-les-Mines - Lettre N - Recherche par commune - Archives - Pas-de-Calais le Département

Éloge des efforts des mineurs - Bruay-la-Buissière - Lettre B - Recherchepar commune - Archives - Pas-de-Calais le Département

Le congrès des mineurs - Bruay-la-Buissière - Lettre B - Recherche par commune - Archives - Pas-de-Calais le Département

fiches 19bis 1ere GM (2) BD.pdf

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