mardi 10 décembre 2024

G comme GOURDAIN Jules Albert

Je n’ai aucune parenté directe avec Jules Albert ; il est le frère de Juliette Emilie, épouse de Gustave Joseph Deiber, un oncle à la 3ème génération.

En effet, Gustave Joseph est un petit frère de mon Agrand-père paternel, Émile Théophile (mon SOSA 8).

Jules Albert est né le 24 septembre 1881 à Mouy, dans l’Oise ; il est le 3ème enfant d’une fratrie de 5, donc, très exactement, il est ce que l’on nomme « l’enfant du milieu ». Enfin, pas exactement, puisqu’il porte les mêmes prénoms que l’enfant précédent, décédé à 15 mois le 5 février 1881. Son grand frère Émile décède durant son service à l’âge de 23 ans ; bien malgré lui, il devient alors l’aîné de son unique sœur, Juliette Emilie, puisqu’un dernier enfant Julien Alphonse ne survivra que 3 jours….

Donner le nom d’un enfant décédé à l’enfant suivant était une pratique courante chez nos ancêtres : un geste symbolique – curieux aujourd’hui mais emprunt de respect – pour garder la mémoire de l’enfant décédé vivante au sein de la famille, dans l’espoir que ce nouvel enfant apporterait prospérité et bonne fortune, là où la vie avait été interrompue trop soudainement. Cette tradition que j’ai souvent repérée dans « mes familles » reflète certainement de profondes croyances et un désir de rendre hommage aux êtres perdus….

Jules Albert est le fils de Jules, cultivateur manouvrier, et de Constance DEHAMME ; à l’âge de 10 ans, il perd la même année son petit frère et sa mère, très certainement des suites d’un accouchement difficile. Mais très vite, son père se remarie ; l’homme a 37 ans et deux enfants à charge….

Le 30 avril 1892, Jules-père épouse donc Eugénie DOCHE, une veuve de 34 ans ; la famille est ce qu’on appelle aujourd’hui « une famille recomposée » ; de cette union naîtra une petite fille, qui malheureusement décédera à 2 ans.

A ses 20 ans, Jules Albert se fait recenser ; le Conseil de Révisions le dispense au regard du décès de son frère, prématurément mort en service. « Les dispenses sont définies comme la possibilité légalement accordée à certains jeunes hommes en âge d'être incorporés de n'accomplir qu'une partie de leurs obligations militaires en fonction de critères essentiellement sociaux ( art. 21 et suivants de la loi du 15 juillet 1889) ».

Il sera toutefois affecté en réserve comme « canonnier conducteur », c’est-à-dire employé à la conduite et au soin des chevaux de l’attelage ; coup du hasard ? Il est charretier dans la vie civile.

Mais avant de partir à la guerre – dispensé ou pas, il devra partir – Jules Albert a épousé Louise Marie Augustine DUCHEMIN, le 29 octobre 1904 ; or moins de huit mois plus tard, la mariée décède sans laisser d’enfant.

Jules Albert s’installe chez sa sœur Juliette, alors que son mari Gustave DEIBER – frère de mon SOSA 8 – est au service militaire.

Jules Albert change de profession : il est désormais « scieur de bois ». Il fait alors la connaissance de la jeune Augustine Elvire NAILLOU, une native de Mouy ; le couple se marie le 13 juillet 1907 ; de cette union, naîtront deux enfants Émile Louis et Réjane Julienne. La jeune femme a également une enfant de père non désigné, Etiennette Elvire, âgée de 2 ans.

La vie est dure, l’industrialisation s’accélère et les grèves s’intensifient partout dans le pays….


A l’été 1914, Jules Albert reçoit son ordre de mobilisation comme tous les hommes de Mouy et de Roy-Boissy, une toute petite commune de moins de 300 habitants, où il travaille à la boisellerie Lapierre, usine « spécialisée dans la fabrication de navettes et outillage en buis, instruments de mesure et accessoires de bureau ».

Affecté au 29ème régiment d’Artillerie, départ pour Montmédy, dans les Ardennes : c’est la bataille de Virton, une bataille effacée de la mémoire collective, tant elle surprend les troupes françaises ; les allemands sont trop bien organisés et le carnage est là….. Tout s’enchaîne très vite : la bataille de la Marne, la forêt d’Argonne.

Et dire qu’ils étaient tous partis pour « tuer du boche ! » ; il ne faut jamais sous-estimer son ennemi…. 

Début 1915, repos à Saint-Mard, puis retour en Champagne, au fortin de Beauséjour ; le village sera totalement détruit….

Les villes et les hameaux défilent, dans la violence, le sang et la sueur…. Et le fort de Troyon, mitraillé, pilonné par les forces allemandes.

Malgré les destructions et les pertes, la garnison française a résisté, freinant l'avancée allemande et  contribuant à la protection de la ville de Verdun. Mais à quel prix….

Le 1er avril 1917, Jules Albert passe au 227ème RAC ; il y restera jusqu’au 14 février 1919, date de sa démobilisation.

Jules Albert arrive donc au camp de Valdahon, dans le Doubs. « Ce camp de 3 500 ha est spécialisé dans l'instruction collective des unités élémentaires (compagniesescadrons, batteries) avec, en priorité, l'utilisation des mortiers et du génie ». (Wikipedia) Les unités françaises sont bientôt rejointent par l’armée américaine qui vient de rentrer en guerre au côté des Alliés, le 6 avril 1917.

Nous sommes au cœur de la Seconde Bataille de la Marne.

Après Château-Thierry et le plateau des Casemates, il est envoyé en Italie, de décembre 1917 à avril 1918. Puis retour dans les Flandres françaises.

Je suis toujours étonnée des déplacements de nos poilus ; les troupes étaient transférées pour renforcer les lignes de front ou pour participer à des offensives et des contre-attaques ; les commandements militaires déplaçaient leurs hommes pour maintenir la pression sur l'ennemi, pour éviter les attaques surprises, ou pour préparer des assauts majeures, un peu à la manière d’un jeu de stratégie.

Et comme pour beaucoup d’hommes, la dernière bataille sera celle de Guise.

Voilà plusieurs jours que je n’évoque que le front, les hommes dans les tranchées, les maladies, les traumatismes, et le reste de la population ? Jules Albert a laissé femme et enfants derrière lui….

Les femmes et les enfants de Mouy, comme dans de nombreuses autres régions de France, ont vécu dans une angoisse permanente. Alors que les hommes étaient mobilisés pour le front, ils étaient confrontés à l'incertitude et à la peur quotidienne. Les nouvelles du front étaient rares et souvent tragiques, alimentant la crainte de perdre un mari, un père, ou un frère.

Les troupes allemandes sont entrées dans le département de l’Oise le 30 août 1914 et suivent les grands axes routiers à la poursuite des troupes franco-britanniques en retraite. La traversée du Clermontois se fera sans heurts : la population reste encore choquée du bain de sang produit à Rantigny durant la guerre de 1870. Des règles de circulation sont toutefois imposées aux civils ; Mouy et toute la région clermontoise est un lieu de passage des troupes et des convois militaires vers le nord et l’est ; valides et blessés se croisent, les uns partant au front, en permission ou bien en camp d’entraînement, les autres passant d’ambulances en hôpitaux.

L’ambulance 16/9 fait la navette entre l’hôpital militaire d’Estrée Saint Denis, le front et les autres hôpitaux de fortune, comme le HCA à Mouy.

La ville de Mouy, située en zone occupée et proche des lignes de front, a subi des privations importantes. Les pénuries alimentaires et le manque de ressources essentielles rendaient la vie quotidienne particulièrement difficile. La proximité des combats et la menace constante des bombardements créaient un climat d’insécurité omniprésente.

Les femmes, en l'absence des hommes, devaient assumer de lourdes responsabilités, que ce soit pour le travail dans les champs, l'éducation des enfants ou la gestion du foyer. Cette charge supplémentaire, combinée à la peur de l’avenir, plongeait les familles dans une angoisse intense. Pour les enfants, le conflit était une source de confusion et de traumatisme, car ils grandissaient dans une atmosphère marquée par la violence, la perte et l'incertitude.

L’absence de liberté et la peur constante des représailles, ajoutées à la séparation des familles, créaient une situation de terreur quotidienne.

Jules Albert sera libéré du service militaire du 15 octobre 1930, mais il décédera le 4 avril : il avait 48 ans.

Il aura laissé une épouse effondrée et deux enfants, dont la dernière Réjane Julienne, victime civile de la Seconde Guerre Mondiale.

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Pour en savoir plus :

Compréhension d'une fiche matricule d'un soldat de 14, première partie … - Antequam... la généalogie ! (canalblog.com)

Médecins de la Grande Guerre - 22 Août 1914, Le jour le plus meurtrier del’Histoire de France. (1914-1918.be)

Le 22 août 1914, jour le plus sanglant de l'histoire de France(francetvinfo.fr)

Première Guerre Mondiale : Fort de Troyon (landofmemory.eu)

Assevillers. Convoi de prisonniers allemands (parisnanterre.fr)

Assevillersvers 1916. Soldats français conduisant un attelage parmi les ruinesdu village (somme.fr)

Fort Troyon

Historique du 29ème Régiment d'Infanterie durant 14/18 (chtimiste.com)

Histoires 14-18 : Valdahon, un village à l’heure américaine

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