En juillet 2022, j’ai parcouru le Musée de la Grande Guerre de Meaux avec mon appareil photos et mon carnet de notes.
À la fin de la visite, des tableaux dédiés à l’argot des poilus offraient une touche de légèreté qui contrastait avec le poids des récits de guerre.
Ces panneaux, richement illustrés et souvent teintés d’humour, plongent le visiteur dans le langage pittoresque et inventif des soldats des tranchées.
Pour ma part, ce langage ne m’était pas inconnu, car dans ma famille, on employait assez fréquemment l’argot. Sur la cuisinière, « le jus » attendait d’être servi à tout moment de la journée, et puis, au comptoir du bar en bas de chez moi, dans le Paris de ma jeunesse, je ne me serais jamais risquée de demander un café…. A la maison, « le pinard » et son copain « le frometon » s’invitaient à chaque repas, tandis que le « Château-la-Pompe » était réservé aux enfants…. Je suis sûre que ça vous rappelle quelque chose !
Découvrir cet argot, c’est comme entendre la voix des poilus eux-mêmes, avec leurs mots drôles, parfois tendres, souvent incisifs. Chaque expression, qu’elle désigne les dangers du front ou les réalités du quotidien, est une fenêtre sur leur vécu.
Cet argot permettait de décrire leur univers avec des mots bien à eux : le « saigneur à vapeur » pour le train blindé, les tranchées « le boyau, la boite à sardines », ou encore « le zigouigoui » en référence à leur forme ou à leur état ; les obus devenaient « les marmites », car ils éclataient comme des casseroles en ébullition, la nourriture rare était appelée « la tambouille », « la bidoche » pour la viande, tandis que « la gnôle » désignait l’alcool, plutôt la « petite goutte » après le café… « Le gourbi » comme disait ma mère, c’était plutôt ma chambre d’adolescente... Ces termes traduisaient leur créativité, leur solidarité, mais aussi leur manière de dédramatiser une réalité insoutenable.
Ces expressions étaient bien plus qu’un simple langage codé. Elles permettaient aux soldats de créer un sentiment d'appartenance et de rendre supportable l'insupportable. Elles témoignent aussi de leur capacité à résister par l'humour et l'esprit face à l'absurdité de la guerre.
Si l'argot des tranchées contenait des influences régionales comme le patois des régions du Nord de la France, le parisien, le méridional et autres dialectes, il comprenait également des mots inventés ou adaptés pour les besoins spécifiques de la vie quotidienne.
Aujourd'hui, cet argot des tranchées est une trace précieuse de la vie quotidienne et de la culture des poilus. Il reflète l'humanité et la créativité des hommes dans l'épreuve, et continue d’éveiller notre intérêt pour leur vécu.*
Pour en savoir plus :
dictionnaire glossaire, vocabulaire expressions language 14-18 du poilu dans les tranchées 1914-1918
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire