Au mois de décembre, alors que le Challenge AZ 2024 s’achevait, j’ai dû précipitamment changer de plateforme ; passer d’Eklablog à Blogger fut une épreuve supplémentaire, mais je crois m’en être plutôt pas mal sortie en faisant du tri parmi les articles intéressants. Je me suis aperçue que j’avais écrit des textes sur la branche lensoise qui n’étaient plus du tout d’actualité ; au cours de mes recherches, j’ai fait de nouvelles « trouvailles » donc, je reprends mes articles un à un….
Mon SOSA 24 est Louis François HERBEZ, mon AAgrand-père maternel ; la famille HERBEZ vit sur les terres lensoises depuis au moins 1752.
En 1750, Lens est une petite commune rurale de l’Artois, dont l’économie est basée sur l'agriculture et l'élevage. Jusqu'au début du XIXe siècle, la plaine de Lens est peu favorable, et les cultures très pauvres. Il faudra attendre l’arrivée de Guislain Decrombecque sur le terrain, cultivateur et notable de la région, pour entreprendre l’enrichissement de la terre par de la fumure de son invention et ainsi rendre fertile la terre. Il devint maire de sa ville natale pendant dix-neuf ans, de 1846 à 1865.
Lens a commencé à se développer industriellement à la découverte de gisements de charbon en 1841.
Le 14 août 1849, mon AAAgrand-père épouse Eléonore ; elle a 23 ans et Prudent en a 27 ; de cette union naîtront 10 enfants dont seulement 3 atteindront l’âge adulte :
Prudent Émile, né le 07 juin 1850 et décédé le 06 février 1852 à 7 heures du soir, à l’âge de 20 mois,
Clémence Eléonore, née le 29 novembre 1851 et décédée le 05 février 1852 à 11 heures du matin ; elle n’a que 3 mois...
Les deux enfants ont été emportés à un jour d’intervalle ; l’hiver 1851-1852 a été particulièrement glacial.
Dès le début de novembre 1851 sont apparues les premières neiges dans les plaines du Nord et très certainement les jeunes enfants n’ont pu survivre à une saison aussi rigoureuse dans un logement souvent mal chauffé ; et que dire d’une éventuelle disette…. Les récoltes sont souvent mauvaises et le froid transpercent les vêtements.
Le suivant, Charles Henry, n’aura pas plus de chance : né le 24 décembre 1852, il décède le 10 janvier 1853 à 7 heures du soir : il n’avait que 15 jours ; après une vague de chaleur caniculaire en été 1852, succède de nouveau un épisode de froid et de neige début 1853 ; les enfants en bas n’y survivent pas.
Angélique Emilie nait le 4 décembre 1853, suivant de très près le décès de son petit frère ; elle sera une enfant plus vigoureuse ; à l’âge adulte, elle épousera Edmond Augustin DELOBEL dont elle aura 9 enfants nés entre 1873 et 1887.
Joseph Henry arrive le 18 avril 1856 mais décède le 06 février 1858 à l’âge de 22 mois : encore un hiver froid et verglacé ?
Pauline Henriette est née le 02 octobre 1858 et décédera le 21 octobre 1871 à 11 heures du soir ; la jeune fille avait 13 ans…. Puis vient Théodore le 23 janvier 1861 ; il mourra 12 mois plus tard : des hivers qui passent et se ressemblent par leur intensité…
Lorsque Louis François HERBEZ nait le 13 novembre 1862, il ne reste dans la fratrie que Angélique 9 ans et Pauline 4 ans. Bien malgré lui, mon AAgrand-père est l’ainée masculin de la famille….
Après lui, naîtra Alfred, le 21 juin 1865 mais qui s’éteindra le 21 avril 1867 à 3 heures du soir soit 22 mois plus tard ; si le début de l’hiver s’avère exceptionnellement doux en ce début de février 1867, il ne tarde pas devenir très menaçant dès le mois de mars, avec des pluies verglaçantes et de la neige.
Louis François accueillera un nouveau petit frère, le 26 mars 1867 ; Eugène sera le dernier de la petite fratrie car Eléonore a déjà 41 ans….
Le climat ne peut être la seule explication de ces décès successifs ; la mort prématurée peut être la conséquence d’une maladie infantile que l’on ne savait pas encore soigner, ou bien une épidémie. Entre 1840 et 1871, les Français subissent trois pandémies de choléra…La mortalité demeure importante à cause du manque d’hygiène, des logements insalubres et bien évidemment des maladies telles que rougeole, scarlatine, typhoïde, tuberculose, grippe, coqueluche, oreillons, variole…. La liste est d’autan plus longue que la précarité est installée et que les soins ne peuvent être dispensés.
Louis François n’a que 6 ans lorsque son père décède… A t-il été à l’école des corons ? A t-il écourté sa scolarité du fait du décès de son père ? Je ne suis pas en mesure de le dire, toujours est-il que sur sa fiche matricule, il est mentionné : « degré d’instruction : 0 et service militaire non exercé ».
Et puis, à y regarder d’un peu plus près, je m’aperçois qu’il sait à peine signer les actes d’état civil, tandis que son frère Eugène sait écrire. Mais Louis François est volontaire et le travail ne lui fait pas peur.
Si son grand-père Dominique Eugène était « pannetier et fileur de coton », son père Prudent « maçon et marchand épicier », Louis François profite des embauches massives de la Société des mines de Lens, pour exploiter les concessions de Lens et Douvrin
En 1870, il n'y a pas de loi stricte sur l'âge minimum pour travailler dans les mines en France – sauf la loi du 21 mars 1841 non respectée ; il est courant que des enfants commencent à travailler dès l'âge de 6 ou 7 ans car leur petite taille permet de se faufiler dans les galeries étroites. En plus, ils sont une main-d'œuvre bon marché et facile à contrôler.
Et même si les enfants sont soumis aux mêmes conditions de travail que les adultes, souvent travaillant de longues heures dans des conditions dangereuses, sa mère Eléonore n’a pas d’autres choix que d’envoyer son fils dans les « boyaux » si elle veut remplir la gamelle tous les soirs…. La famille a besoin de revenus supplémentaires pour survivre.
A ses 20 ans, Louis François est recensé, mais « fils aîné d’une femme veuve », il retourne dans ses foyers : ses foyers ?
En 1882, Louis François est déjà papa…. Son premier enfant Albert Louis – mon Agrand-père et SOSA 12 – est né le 15 novembre 1878 ; Louis François avait alors 16 ans ! Albert Louis et les trois enfants suivants portent le patronyme de leur maman, car le couple n’est pas marié.
Originaire de Carvin, Elisa TANCREZ s’est installée à Lens avec sa mère dans les années 1872, rue Neuve des Remparts.
Mais la grand-mère Clotilde laisse volontiers sa place à Louis François - qui n’a pas abandonné sa mère et navigue entre les deux foyers – mais s’installe définitivement avec Elisa dès que possible.
Lors de son mariage, le 26 février 1887, le couple HERBEZ – TANCREZ régularisera la situation et tous les enfants porteront désormais le nom de leur père.
Jusqu’en 1899, Albert Louis travaille pour les Mines de Lens ; ensuite, toute la petite famille s’installe à Sallaumines, dans la cité Embrase ; Albert Louis y occupera tantôt un poste de terrassier, tantôt celui de brasseur pour ensuite revenir au métier de mineur…
Une meilleure opportunité d'emploi ? Un salaire plus élevé ? Des conditions de travail plus sûres ou bien un logement plus spacieux pour tous les enfants ? La Compagnie des mines de Courrières qui gère les mines de Sallaumines a besoin de main-d'œuvre supplémentaire alors Albert Louis n’hésite pas.
Mais après la naissance de son douzième enfant, Eléonore – qui décédera à 22 mois, il revient à Lens, en qualité d’ouvrier-pompier. Son épouse Elisa a déjà 44 ans ; elle portera son dernier enfant Félix, qui mourra la même année que sa petite sœur, à seulement un mois d’existence….
La famille est revenue dans le berceau familial lensois ; la colère montait à Sallaumines et les forces de l’ordre ont été appelés par le Directeur de la Mine pour réprimer syndicats et ouvriers ; les mineurs se sont souvent mis en grève pour protester contre les conditions de travail difficiles, les bas salaires et les longues heures de travail. Albert Louis est allé voir si l’herbe était plus verte ailleurs, mais en fin de compte, il est rentré ; un retour qu’il ne regrettera pas lorsqu’il aura vent de la terrible catastrophe de Courrières le 10 mars 1906, la pire des catastrophes minières de l'histoire européenne ; un coup de grisou a ravagé environ 110 kilomètres de galeries communes aux fosses n° 2 à Billy-Montigny, n° 3 à Méricourt et n° 4-11 à Sallaumines ; cette explosion a causé la mort de plus de 1000 mineurs, dont beaucoup étaient des enfants.
Soucieux de préserver sa famille d’un climat de mécontentement et de tension, Albert Louis ne quittera plus sa ville natale.
Il s’éteindra à l’âge de 50 ans, le 21 décembre 1912.
Pour en savoir plus :
Le travail des enfants au XIX siècle
Mines de Lens. Archives nationales du monde du travail - Archivesnationales du monde du travail
Chronologie du travail des enfants — Wikipédia
Loi relative au travail des enfants employés dans les manufactures,usines et ateliers — Wikipédia
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire