Je suis une arrière-petite fille de l'épouse de Léon Georges LAMBERT ; en effet, Francine BAROIN (1884 -1956) est mon Agrand-mère paternelle et morvandelle (SOSA 11).Léon Georges, qui est son second mari ; en premières noces, Francine avait épousé Jean, un morvandiau un peu alcoolique, un peu « intrépide » dirai-je et le couple a divorcé ; un mariage d’amour peut-être, quoiqu’il en soit la naissance de ma grand-mère est été « un peu prématurée »…
Léon Georges est né le 5 janvier 1895 à la clinique d’Assas, à Paris, aujourd’hui hôpital Tarnier ; StéphaneTarnier (1828 – 1897) fut l’avant-gardiste de la clinique d'accouchement, médecin et obstétricien, « chef de file de l'école française d'obstétrique de la fin du XIXe siècle, il est considéré comme un pionnier de l'hygiène des accouchées et des nouveau-nés ».
Léon Georges est le fils de Léon Louis, soldat au 120ème RI et de Marie Célestine PELTRET, porteuse de pains. Le couple a pu se marier sans parents dénommés ; il sera intéressant ultérieurement de faire des recherches sur ce couple qui ont été deux enfants abandonnés. Léon Georges est le second de la fratrie puisqu’une petite Louise, de 5 ans son aînée, est une enfant « illégitime » de Marie Célestine.
Le 18 octobre 1913, il épouse Marcelle Elisabeth Paule ASSERE ; à tout juste 18 ans, Léon Georges est amoureux fou de la jeune savonnière parisienne de 5 ans son aînée. Mais le couple divorcera le 7 décembre 1921 ; un an plus tard, le 7 janvier 1922 Léon George se mariera avec Francine, mon Agrand-mère et son ex-épouse s’unira à Gaston le 4 mars 1922.
Après la Première Guerre mondiale, il y a eu une augmentation significative des divorces. Les longues périodes de séparation entre les couples durant la guerre ont perturbé les relations conjugales ; la dynamique familiale avait disparu et de nombreux hommes n’étaient plus les mêmes à leur retour, et pour cause… Les horreurs vécues au front ont laissé des séquelles psychologiques chez certains soldats, d’autres sont rentrés avec un handicap insurmontable pour une femme et les enfants, rendant les relations conjugales encore plus difficiles à rétablir.
Et puis les femmes ont pris en charge des responsabilités domestiques et professionnelles ; elles ont gagné en indépendance et n’étaient plus prêtes à rester sous le joug d’un « homme ». Beaucoup de couples ont attendu l'après-guerre pour officialiser leur séparation ; mon Agrand-mère est de ces femmes-là ; elle a divorcé de mon Agrand-père le 4 novembre 1920.
Pour en revenir à Léon Georges, au moment de la mobilisation du 3 août 1914, il est marié depuis moins de 10 mois ; il est enrôlé au 24ème RI, dont le lieu de regroupement est à Paris. Départ immédiat pour le nord de la France : commence alors la bataille de Charleroi dès le 21 août. La bataille se livre dure près de la rivière Sambre, non loin de la ville belge. Les Français ont pour mission de repousser les forces allemandes en Belgique, tandis que les Allemands tentent de contourner les défenses françaises pour atteindre Paris. Les troupes françaises essuient de lourdes pertes ; elles seront les premières d’une longue suite….
Après Charleroi, c’est Guise, la terrible bataille de la Marne, puis l’offensive d’Artois en mai 1915 avec la bataille de Vimy, le bois de la Folie...
Les batailles s’enchaînent au fil des régiments. Le 19 janvier 1916, Léon Georges est envoyé au 35ème RI pour un mois, ensuite il part pour le 260ème RI et l’expédition de Salonique : l'expédition est lancée pour soutenir l'armée serbe après son invasion par les forces germano-austro-hongroises et bulgares. Les combats se sont principalement déroulés dans la région de la Macédoine, avec plusieurs batailles importantes livrées dans des conditions pénibles, avec des températures extrêmes et des maladies comme le scorbut, la dysenterie, le typhus et le paludisme.
Léon Georges aurait pu contracter « le pied de tranchée », une infection causée par l'humidité et le froid, entraînant la gangrène et nécessitant une amputation, ou bien la « fièvre des tranchées » transmise par les poux de corps ; les symptômes incluaient des douleurs musculaires, des maux de tête et des fièvres récurrentes. Il aurait pu tout aussi bien être atteint de tuberculose, terrible maladie pulmonaire contagieuse qui se propageait facilement dans les conditions de surpeuplement. Et bien non, Léon Georges a contracté le paludisme….
Les plaines marécageuses de la région de Salonique, en Grèce, sont un terrain propice à la propagation des moustiques qui transmettent la maladie ; les conditions sanitaires difficiles et le manque de ressources ont exacerbé la situation.
Pour Léon Georges commence alors un énorme défi en soi : chaque mouvement devient une lutte ; sueurs abondantes, douleurs musculaires, maux de tête et une très grande fatigue rendent impossible toute activité physique. La fièvre le submerge, le plongeant dans un état de confusion et de faiblesse extrême ; les frissons et les sueurs handicapent sa concentration ; confronté à la peur constante de la mort au front, Léon Georges doit lutter pour ne pas succomber….
A NeuvilleSaint-Vaast, il a été « blessé à la paupière inférieur gauche par un éclat de grenade » le 29 septembre 1915, mais il a pu surmonter sa douleur et repartir sur le front ; aujourd’hui, il sent ses forces l’abandonner. Il ne pense qu’à une seule chose : ne pas mourir et revoir sa femme….
Que le parcours administratif est long, complexe et laborieux : pour que sa condition soit reconnue officiellement et que ses droits soient respectés, Léon Georges doit passer devant plusieurs comités de réforme, généralement formés d’experts médicaux et administratifs, pour faire reconnaître la nature de sa maladie et l’impact qu’elle a sur sa capacité à servir. Car Léon Georges n’est plus opérationnel sur le terrain.
Chaque comité évalue la gravité de la pathologie, le taux d’incapacité, et prend une décision quant à la poursuite de sa carrière dans l’armée ou à l’orientation vers une reconversion professionnelle. Chaque passage devant ces comités implique des délais longs, des convocations répétées et parfois une attente interminable des décisions finales.
Ces lourdeurs administratives engendrent une grande souffrance psychologique et Léon Georges se voit dans l’incertitude quant à son devenir ; cette attente affecte sa santé, déjà compromise par la maladie, engendre une frustration considérable et un sentiment d'injustice. La fatigue accumulée, la douleur et la sensation d'impuissance pouvaient amener certains soldats à une forme de résignation
Pour lutter contre l’épidémie, une Mission antipaludique a été mise en place et a permis de réduire considérablement l'impact du paludisme sur les troupes de l’armée d’Orient. Cette mission a impliqué des mesures de prévention telles que l'utilisation de moustiquaires imprégnées d'insecticides, la distribution de médicaments antipaludiques et la désinsectisation des zones de vie pour réduire la propagation du paludisme parmi les troupes. Mais les traitements étaient encore assez limités par rapport aux standards actuels ; la quinine, extraite de l'écorce de quinquina, était le principal médicament utilisé pour traiter le paludisme. Elle pouvait aider à réduire les symptômes et à tuer les parasites responsables de la maladie.
Le paludisme reste toutefois une maladie potentiellement mortelle. La récupération, lorsqu’elle est possible, prend du temps, et même une fois rétabli, les rechutes sont fréquentes ; les soldats atteints restaient longtemps vulnérables à d'autres infections, ce qui pouvait mener à des complications plus graves avec des séquelles à long terme, voire chroniques, telles que des problèmes cardiaques, des lésions rénales ou des troubles neurologiques.
Mais Léon Georges s’est battu jusqu’au bout : il a obtenu une pension à un taux d’incapacité de 10 %, temporaire pour le moment….
Les pensions peuvent être accordées à titre temporaire ou définitif, ou encore être revues selon l'évolution de l'état de santé. A la pension s'ajoutent également des compléments de pension et les charges de famille.
Quoiqu’il en soit, même si cette incapacité est devenue définitive, Léon Georges a dû retravailler ; il a alors 23 ans et ne sera démobilisé que le 9 octobre 1919 ; il reviendra au 16 passage Thieré, le quartier des auvergnats à Paris, vivre auprès de mon Agrand-mère paternelle.
Comme bon nombre des hommes de sa génération qui ont survécu à la 1ère Guerre Mondiale, il devra affronter la Seconde ; il décédera en 1962 et – à ma connaissance – n’a laissé aucune descendance avec Francine.
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Pour en savoir plus :
Labataille de Charleroi ; les 21,22 et 23 août 1914
8. Combat d'Arsimont (21 - 23 août 1914) - bataille de Charleroi
Charleroi, août 1914, un vrai carnage ! - YouTube
Charleroi- Pays noir: Petit aperçu de Charleroi en 14-18
Pendant la bataille de la Meuse. Une charge à la baïonnette | BnFEssentiels
Charges à la baïonnette - Archives de la Somme
Historique du 260ème bataillon d'infanterie
[1918-2018] Les oubliés de Salonique
Les 10 principales maladies courantes pendant la Première Guerre mondiale
Maladies sur le champ de bataille · Expositions en ligne de la bibliothèque de l’Université de Yale
Guide-barème des invalidités - Comité d'Entente des Grands Invalides de Guerre
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