vendredi 14 novembre 2025

Le CNRTL, une bibliothèque précieuse pour le généalogiste


Le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) est utile au généalogiste pour bien comprendre le vocabulaire ancien, les variantes orthographiques et les sens historiques des mots rencontrés dans les actes.

A la première lecture, cette bibliothèque numérique peut intriguer, mais lorsque l’on prend l’habitude de l’utiliser, tout devient très clair, et surtout, vite indispensable.

Pour ma part, je n’utilise que « le portail lexical » mais je vous invite également à visiter les autres rubriques.

Les registres paroissiaux, notariés ou judiciaires recèlent souvent des termes aujourd’hui tombés en désuétude. Le CNRTL offre la possibilité d’en retrouver la définition précise. De la même manière, les appellations de métiers, les expressions juridiques ou religieuses varient selon les époques : le CNRTL conserve la trace des formes anciennes. En consultant les attestations littéraires ou historiques, on saisit mieux l’usage d’un mot dans son contexte, ce qui permet de replacer un ancêtre dans son environnement social et culturel.

Le CNRTL constitue aussi un appui précieux pour la mise en récit : il enrichit les histoires familiales en offrant des nuances de vocabulaire et des citations qui donnent vie aux textes.

Enfin, il s’impose comme un outil incontournable en paléographie : lorsqu’on apprend à déchiffrer les écritures anciennes, le CNRTL joue le rôle de dictionnaire de référence pour vérifier le sens exact des mots rencontrés.

Le CNRTL fonctionne comme une grande bibliothèque numérique de la langue française : il rassemble plusieurs dictionnaires et bases lexicographiques, et permet de chercher un mot pour en explorer toutes les facettes.

L’onglet Lexicographie du CNRTL est le cœur du portail, celui qui rassemble les grands dictionnaires et bases historiques de la langue française. Il fonctionne comme une salle de lecture numérique où chaque ressource éclaire un mot selon une époque ou un usage ; les rubriques sont à consulter à gauche de votre écran :

  • Le TLFi (Trésor de la langue française informatisé) : dictionnaire de référence couvrant la langue française du XIXᵉ au XXᵉ siècle avec des définitions détaillées, des exemples littéraires, étymologie, usages ; c’est la ressource la plus complète pour comprendre les mots rencontrés dans les actes du XIXᵉ et XXᵉ siècle

  • L ’Académie française – 9ᵉ édition : dictionnaire officiel en cours de rédaction (depuis 1992) ; il donne les définitions contemporaines, normatives, avec un souci de correction et d’usage actuel ; il est très utile pour des comparaison avec les sens anciens et voir ainsi l’évolution dans le temps

  • L’Académie française – 4ᵉ édition (1762) : ancienne édition du dictionnaire de l’Académie, il témoigne du vocabulaire et des usages du XVIIIᵉ siècle ; il est très utile pour les généalogistes travaillant sur des actes de l’Ancien Régime

  • La BDLP (Base de données lexicographiques panfrancophone) recense les mots et expressions propres aux différentes régions francophones (Québec, Belgique, Suisse, Afrique, etc.) ; elle permet notamment de comprendre des variantes régionales ou des termes spécifiques rencontrés dans des actes hors de France

  • La BHVF (Base Historique du Vocabulaire Français) donne les attestations historiques des mots, leur première apparition et leur évolution ; elle est fort utile pour dater un terme ou vérifier s’il était en usage à une époque donnée

  • Le DMF (Dictionnaire du Moyen Français) couvre la langue française entre 1330 et 1500 ; il est indispensable pour les généalogistes qui explorent des chartes, terriers ou documents médiévaux, permettant ainsi de comprendre les mots disparus ou transformés dans le français moderne.

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Prenons un exemple concret : dans mon arbre généalogique – et comme dans beaucoup d’autres ! la profession la plus représentée est celle de « journalier ».

J’ouvre ensuite successivement les onglets du portail lexical : Morphologie, Lexicographie, Ethymologie, Synonyme…..

Comme on le voit sur cet exemple, c’est bien l’onglet « Lexicographie » qui m’apporte le plus d’informations, non pas sur l’adjectif mais le substantif « journalier » :

L’onglet « Étymologie » ne se contente pas de donner la définition d’un mot : il explique d’où vient ce mot, comment il a évolué et quelles formes il a traversées.

L’onglet « Synonyme » élargit le champ lexical d’un mot en proposant des termes proches ou équivalents. C’est un outil complémentaire aux définitions, qui permet de varier le vocabulaire et comprendre les nuances de sens. IL puise le vocabulaire dans l’incontournable dictionnaire CRISCO, incontournable lorsque l’on réalise des écrits.

Il affiche les mots qui peuvent remplacer le terme recherché, selon le contexte, avec des nuances, puisque certains synonymes sont plus littéraires, familiers ou techniques.

Les synonymes sont souvent reliés aux proxémies et aux clusters (onglet suivant), car ils montrent les familles lexicales.

L’onglet « Proxémie » du CNRTL est un peu particulier : il ne s’agit pas d’un dictionnaire classique, mais d’une ressource qui explore les relations de proximité entre les mots.

En sciences humaines, la proxémie désigne l’étude des distances et des espaces dans les interactions sociales ; ici elle correspond aux rapports de voisinage entre les mots.

Cet onglet agit donc comme une loupe sur l’environnement lexical d’un mot ; il liste tout un univers de proximité, classé en « clusters », c’est‑à‑dire en familles de proximité, qui révèlent des contextes d’usage.

Dans l’exemple du « journalier » chaque cluster correspond à une dimension du sens  ; pour le mot qui m’intéresse, je note :

  • Le cluster « Travail manuel et condition ouvrière » : manœuvre, manuel, ouvrier, compagnon, travailleur, tâcheron…. : ouvrier non qualifié, exécutant des tâches simples, souvent sur les chantiers.

  • Le cluster « Ardeur et intensité du travail » : bûcheur, piocheur, bourreau de travail, bosseur

  • Le cluster « Vie commune et ordinaire » : commun, courant, ordinaire, prolo, quotidien

Ces clusters révèlent – et viennent confirmer – la dimension sociale (tâcheron), la dimension professionnelle (exécution / manœuvre), la dimension symbolique (valorisation du travail des mains / manuel) et la dimension politique puisque le mot « prolétaire » inscrit ce champ lexical dans l’histoire des luttes sociales.

L’onglet « Concordance » montre comment le mot est utilisé dans des phrases réelles issues des corpus textuels ; les exemples cités proviennent de textes littéraires, historiques, techniques ou administratifs – datés et référencés.

Un journalier est donc un travailleur payé à la journée, sans attache fixe, souvent agricole ; il est un travailleur qui exerce une activité productive, vivant souvent dans des conditions précaires.

A vous de rechercher ensuite les textes et ouvrages correspondants dans Gallica....

Ceci était un exemple fort simple, mais je suppose que dans vos généalogies du XVIIIème et bien avant encore, ce ne sont pas mots « étranges » qui manquent et que ne demandent qu’à être expliqués !

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La France n’a jamais été en retard lorsqu’il s’agit de dictionnaires et de savoir !

Au tournant des XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles, la France se distingue par une ambition intellectuelle hors du commun : donner aux mots et aux savoirs une place centrale dans la vie culturelle.

Dès 1690, Antoine Furetière publie son Dictionnaire universel. Cet ouvrage, en rupture avec le dictionnaire officiel de l’Académie française, ose inclure les termes techniques, scientifiques et artisanaux. Il ne se contente pas de définir la langue des lettrés : il ouvre les pages aux métiers, aux pratiques concrètes, aux savoirs du quotidien. C’est la première grande tentative de faire entrer la vie réelle – celle des ouvriers, des artisans, des savants – dans un dictionnaire général.

Un siècle plus tard, Denis Diderot et Jean Le Rond d’Alembert dirigent l’Encyclopédie,. ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers (1751‑1772). Véritable bibliothèque des Lumières avec ses dizaines de milliers d’articles et ses planches illustrées, elle devient la somme universelle des connaissances humaines. Les arts mécaniques y sont valorisés autant que les sciences et la philosophie : les gestes des artisans, les outils des métiers, les savoir-faire populaires trouvent enfin leur place dans une œuvre intellectuelle majeure.

Ces deux œuvres montrent que la France était à l’avant‑garde : elle a su faire des dictionnaires et encyclopédies non seulement des outils de langue, mais des instruments de transmission universelle des savoirs.

Furetière et Diderot ont donné aux mots et aux métiers une dignité nouvelle, en construisant des bibliothèques universelles qui éclairent encore aujourd’hui la vie quotidienne de nos ancêtres et l’histoire des idées.

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