vendredi 21 novembre 2025

Le charron

D’après la définition du CNRTL, le charron est un « artisan ou ouvrier qui construit et répare les trains des véhicules à traction animale (charrettes, chariots, etc.), en particulier, les roues de ces véhicules » ; c’est donc « un constructeur de voitures » comme dirait Boileau dans son Dictionnaire des métiers.


De tout temps, l’homme a voulu se déplacer, le plus rapidement possible, en transportant de lourdes charges. Les besoins de la guerre motivaient les mêmes obligations.

La « roue » date de la fin du Néolithique, entre 3 500 et 3 000 av. J.-C. Son lieu d’invention est souvent attribuée à la Mésopotamie (civilisation sumérienne), mais des découvertes en Ukraine et dans les Alpes suggèrent une diffusion plus large. Les Egyptiens avaient des chars et les dieux étaient représentés sur des chariots. En France, nos « rois fainéants » utilisaient de lourds chars tirés par des bœufs, mais leurs roues étaient pleines. Quel progrès lorsque le charron sut faire des roues à moyeu, à la fois plus légères et plus résistantes !

Autrefois, chaque village avait son charron. Comme le maréchal-ferrant et le bourrelier, il était indispensable aux agriculteurs puisque c’était lui qui fabriquait et entretenait le matériel nécessaire au transport, depuis les brouettes jusqu’aux chars à bœufs en passant par les charrette à banc.

La construction des charrettes l’occupait généralement en hiver et au printemps. Les mois d’été étaient réservés à l’usage des charrettes et donc à leur réparation.

La majeure partie de son travail se faisait en plein air parce que les bois de charron, sous l’effet de la chaleur, avaient tendance à se déformer ou à se courber.

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Le charron s’occupe tout spécialement de la construction des « voitures de fatigue », telles que chariots, charrettes - véhicules fonctionnels, construits pour résister à l’usure et aux mauvaises routes, sans recherche d’esthétique par opposition aux voitures « de luxe » ou « de promenade », plus légères et élégantes - c’est lui qui fait les brouettes et presque tous les instruments employés dans l’agriculture, la charrue, la herse, le rouleau, les semoirs, etc. On peut dire qu’il est le spécialiste des roues de transport (moyeu, rais, jantes, cerclage de fer) ; par contre, la grande roue d’un moulin, par exemple, relève des compétences d’un charpentier. Et si le charron réalise les roues et les trains de voitures suspendues, la caisse et les accessoires sont du ressort du sellier carrossier.

Le charron doit savoir travailler le bois comme le menuisier, et le fer comme le forgeron ; aussi, dans l’atelier du charron, on trouve à peu près tous les outils du menuisier : la scie, le rabot, les ciseaux, le maillet, le marteau, les vrilles, le vilebrequin, la hache, et une plane ; une plane est une lame d’acier tranchante d’un côté sur toute sa longueur avec deux petites poignées en bois.

Le cric ( ou « chèvre »)est indispensable au charron pour soulever les voitures et pouvoir ajuster et démonter les roues : cet instrument se compose d'une pièce de bois dans laquelle est posée une crémaillère en fer que l'on fait monter ou descendre à l'aide d'un petit pignon et d'une manivelle ; il y a un petit loquet qui empêche la crémaillère de redescendre quand on l'abaisse.

Dans un atelier de charronnerie, on retrouve également tous les sons du fer forgé : une roue, un moyeu, une lime, l'étau, etc.

Il arrive souvent que le charron ait besoin de faire des pièces courbes ; il pourrait bien faire une roue avec une seule pièce de bois courbe, en entaillant le milieu ; mais alors elle n ’aurait pas de solidité. Il faut donc courber le bois en l'exposant à la vapeur d'eau et en le maintenant ensuite dans sa courbure, de manière à ce que le bois prenne la forme voulue.

Les chaînes, les palonniers sont aussi du ressort du charron.

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Pour construire une roue, le charron commençait par la confection du moyeu, le « noyau de la roue » ; réalisé dans un bois dur (souvent l’orme, noueux et résistant), il était dégrossi à la scie à ruban puis passé au tour à pédale ; ensuite, l’artisan creusait les logements des rais au ciseau à bois et perçait un trou en son centre, destiné à recevoir l’essieu en fer.

Sciés, repris à la plane, les rais étaient alors enfoncés dans le moyeu. Une fois découpés, les éléments de jante étaient assemblés entre eux puis aux rayons par des tenons. Leur rôle était de transmettre la force du moyeu vers la jante ; plus les charges étaient lourdes, plus les jantes étaient larges pour protéger les routes.


Venait alors le ferrage de la roue (ou cerclage), indispensable pour la maintenir assemblée et la protéger de l’usure. Le charron coupait une barre de fer qu’il passait à la cintreuse pour en faire un cercle, et la chauffait au rouge dans le feu pour la dilater. Le cercle était alors appliqué sur la roue et immédiatement aspergé d’eau pour qu’il ne brûle pas le bois ; le fer se resserrait en refroidissant, liant solidement bois et métal ; quelques clous à grosse tête pouvaient renforcer l’ensemble.

Le charron travaillait le bois et le fer, mais le forgeron pouvait aussi intervenir pour l’essieu ou les cercles métalliques.

Lorsque l’assemblage des différentes pièces de bois était achevé, on procédait au ponçage, puis à l’opération de peinture ou de teinture. Enfin, le charron effectuait l’assemblage final : il ne restait plus qu’à ajuster la roue à la charrette.


Il était très important de respecter les étapes et de bien suivre les consignes pour obtenir un produit de qualité.

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La réalisation d’une roue par le charron suivait donc un enchaînement précis : préparation du moyeu, insertion des rais, assemblage des jantes, puis ferrage à chaud. Chaque étape demandait une grande maîtrise du bois et du métal.

Il ne vous a pas échappé que, derrière son image artisanale et rurale, le métier de charron,, était en réalité un métier à haut risque, exposant l’artisan à de nombreux dangers quotidiens.

Le ferrage des roues nécessitait de chauffer le cercle de fer au rouge dans un grand feu : une étincelle ou une maladresse pouvait embraser l’atelier, et endommager gravement l’environnement professionnel, si ce n’est l’artisan lui-même ; manipuler le fer incandescent, l’arroser à l’eau, ajuster rapidement sur le bois exposait les mains et les bras à des brûlures très graves ; de même l’arrosage du fer chaud produisait des nuages de vapeur brûlante et des odeurs âcres de bois chauffé.

Le charron était également exposé aux particules de bois : scie, rabot, plane, ciseau à bois généraient une poussière fine, irritante pour les poumons et les yeux. Quant aux outils tranchants (herminette, scie, gouge), plus d’un charron s’est vu infliger des blessures particulièrement profondes.

Manipuler les essieux, les jantes ou les charrettes demandait une force physique importante, avec des risques non négligeables de chutes ou de blessures au dos.

Une délégation du CHSCT s’arracherait les cheveux au vue des conditions de sécurité qui, chaque jour, mettaient en péril la vie de ces hommes….

Le savoir-faire du charron exigeait donc une vigilance constante, une maîtrise des gestes et une résistance physique ; si le tour à pédale ou la scie à ruban ont tranché plus d’un doigt, la cintreuse ou l’enclume ont écrasé des chairs.

Mais ça, c’était avant….

Tributaire du monde paysan, le charron a connu lui aussi l’évolution. Les remorques métalliques succédèrent aux charrettes en bois. Les chevaux et les bœufs ont laissé la place aux véhicules motorisés ; il ne reste aujourd’hui que le souvenir de ce nom ; bon nombre d’artisans durent se reconvertir dans la carrosserie et le travail des métaux.

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Pour en savoir plus :

Association Le Vieil Erstein ùn rund um's Kanton - Reportage ............Métiers anciens d'Erstein - LES CHARRONS

Notions sur les arts et métiers, contenant l'explication des images représentant les sujets suivants : le maçon, le menuisier, le serrurier, le charron, le cordonnier, le tisserand, le vannier, le potier, l'imprimeur typographe, l'imprimeur lithographe, à l'usage des salles d'asile / par M. Boucard (Gallica)

Le Charron, ancien métiers et ses vieux outils

Charron(métier) — Wikipédia

Nouveau manuel complet du charron-forgeron : traitant de l'atelier et del'outillage du charron, des matériaux mis en oeuvre par lui, dutravail de la forge, de la construction du gros et du petit matériel,et de toutes les questions qui ont trait au charronnage (Nouvelleédition) / par M. G. Marin-Darbel,... | Gallica

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