lundi 25 août 2025

Les incohérences : mise en pratique (3/3)

J’ai réservé le meilleur pour ce dernier exemple car tout n’est pas toujours aussi simple : ce serait tellement ennuyeux !

Dans cette même branche bourguignonne, j’ai quelques implexes qui me donnent du fil à retordre et de nombreux homonymes à remettre dans la bonne génération.

Plusieurs problèmes dans cette branche 4 :

Claude BOIRE est mon SOSA 82 ; il a eu 3 épouses :

    • Dominique GILLOT (1766 - 1785), mariage à Moux en Morvan le 18/02/1783 (AD 58 BMS page 54/202)

    • Jeanne COURTOIS (1755 - 1788), mariage à Moux en Morvan le 10/01/1786 (AD 58 BMS page 95/202)

    • Adrienne BALLOUX mon SOSA 83 (1771 - 1833), mariage à Alligny en Morvan le 10/01/1790 (AD 58 BMS page 94/147)

Avec Adrienne, Claude a eu 9 enfants :

  • Jeanne (1791 – 1862)

  • Jean (1793 – 1868)

  • Claude (1795 – 1869)

  • Pierre (1798 – 1865)

  • Pierrette (1804 – 1805)

  • Jeanne (1806 – 1870)

  • Françoise (1807 – 1871)

  • Reine (1810 – 1882)

  • Claudine (1813 - 1882)

L’incohérence potentielle se situe entre l’âge des enfants Jeanne et Françoise dont les dates de naissance sont trop rapprochées.

J’ai donc vérifier les baptêmes (actes paroissiaux) et les naissances (actes d’état civil) dans les archives de la Nièvre, et plonger dans les actes paroissiaux de la Nièvre, c’est un véritable parcours du combattant pour moi !

Naviguer dans les registres paroissiaux de la Nièvre relève d’un exercice d’équilibriste : entre les lacunes chronologiques – passage du calendrier Grégorien au Républicain - l’encre très grasse provoquant des bavures importantes sur le papier – ou plume inappropriée – l’absence de tables en fin de registre, les lettres épaisses au point de se confondre entre elles, rendant la lecture laborieuse, des taches sombres, probablement dues à l’humidité ou à une manipulation négligente, qui obscurcissent plusieurs lignes du texte, bref, il faut une bonne dose de patience et un œil affûté pour espérer reconstituer une lignée ou dénicher un acte précis.

Et lorsque le « copiste » s’en mêle… c’est une autre histoire ! Écriture tremblante, orthographe approximative, encre qui bave ou taches qui masquent les noms cruciaux : on frôle l’enfer archivistique. Certains feuillets semblent avoir été rédigés à la hâte, dans une lumière vacillante, avec une plume récalcitrante ! Résultat : des patronymes méconnaissables, des dates incertaines, et des heures passées à déchiffrer ce qui ressemble plus à une devinette qu’à un document officiel.

Si pour les chercheurs professionnels c’est une épreuve, pour la passionnée que je suis, c’est un défi ! Et pour les curieux, une plongée fascinante dans le chaos organisé des archives anciennes… Je ne vais pas me plaindre, ces archives ne sont rédigées ni en latin ni en allemand gothique !

Mais vous vous doutez bien que j’ai trouvé, sinon cet article n’aurait pu être écrit !

Jeanne est née le 30 juin 1801 (11 Messidor An IX) et Françoise le 11 janvier 1807 (21 Nivôse An XV) ; entre les deux sœurs est née une petite Pierrette qui n’aura vu le jour qu’une année….

Toujours dans la famille BOIRE, voici une autre « incohérence » :

Mes SOSA 82 et 83 (encore eux ! ) ont donc eu 9 enfants dont Jean BOIRE, second de la fratrie ; Jean a épousé Dominique GILLOT – homonyme de la seconde épouse de son père Claude. Jean et Dominique ont eu un fils Nicolas – j’ai aussi beaucoup de cousins « Nicolas BOIRE » dans mon arbre – marié à Marie BROSSIER. Le logiciel me signale une incohérence dans « l’âge des conjoints à leurs décès ».

Pas d’alternative possible : je vais devoir chercher les trois actes d’état civil pour chacun des conjoints.

Petite précision : il ne vous a sans doute pas échapper, en navigant dans GENEATIQUE, la présence de 3 carrés à côté de chaque individu de votre arbre ; ils ne sont nécessairement le symbole d’une incohérence ; ils indiquent des informations complètes ou pas :

  • Le carré rouge : l’événement (naissance, mariage, décès) existe mais aucune date ni lieu n’a été saisi

  • Le carré orange
     : une date ou un lieu a été saisi, mais pas les deux

  • Le carré vert : la date et le lieu sont renseignés

  • Le carré vert coché : en plus de la date et du lieu, une source est associée à l’événement.

On peut toutefois se dire que le carré rouge indique une donnée manquante, ce qui peut entraîner une incohérence, mais ce n’est pas une incohérence en soi.

Revenons au couple Nicolas BOIRE / Marie BROSSIER : l’incohérence se situerait au niveau de l’âge du décès des conjoints. Je vais donc rechercher l’acte de mariage puis la filiation de chacun des mariés.

Problème : j’ai bien retrouvé la publication des bans :

… .. mais avec deux promises différentes : Marie BROSSIER et Reine GEAY !

Y aurait-il deux Nicolas BOIRE, dans la même ville, dans le même hameau ? Un seul mais avec deux éventuelles promesses de mariage, comme je l’ai déjà vu dans mon arbre, et toujours en Bourgogne ou bien ….. Je dis souvent que s’il y a un problème, il y a forcément une solution et cette solution passe par la recherche des actes. Allez, on s’y colle !

Nicolas BOIRE est le 7ème enfant de son père Jean – fils de Claude et de Adrienne BALLOUX – et de sa mère Dominique GILLOT :

  • Anne, née le 30/01/1814

  • Jeanne, née le 23/12/1815

  • Pierre, né le 26/07/1818

  • Claude, né le 14/08/1820

  • Jeanne, née le 03/05/1822

  • Pierrette, née le 29/10/1824

  • Nicolas en 1826

  • Anne, née le 21/11/1830

  • Nicolas, né le 17/09/1835

Donc deux promesses de mariage entre

  • Nicolas BOIRE, 22 ans, majeur, fils de Jean BOIRE -propriétaire - et de Dominique GILLOT, et d’autre part Marie BROSSIER, fille mineure de Etienne – brassier – et de Reine BLANDIN, originaire de Saint Martin du Puy (58)

  • Nicolas BOIRE, 22 ans, majeur, fils de Jean BOIRE -propriétaire - et de Dominique GILLOT, et d’autre part Reine GEAY, fille majeure et naturelle de Philiberte GEAY.

Nicolas épousera Reine le 26/11/1850 à Alligny en Morvan (AD 58 n°22 page 894/1035).

Marie BROSSIER – ou plutôt Marie Blandin – est la dernière enfant de ses parents ; la fratrie de cinq a été légitimée par le mariage de ses parents Etienne BROSSIER et Reine BLANDIN, le 01/01/1833 à Saint Martin du Puy (AD 58 n°1 page 879/1272) ; Marie partira pour la capitale où elle épousera un « garçon de magasin » Jean BUISSON ; le couple s’unira le 10/07/1852 à la mairie de Belleville (acte reconstitué de l’état civil de Paris / XVI – 1859 / page 1443/3086). Peut-être est-ce un meilleur parti pour Marie : pour une jeune morvandelle, partir pour la ville des lumières et des opportunités, c’était presque un saut dans le modernisme !

Jean, le cultivateur, incarnait la stabilité, la terre, le rythme des saisons. Moins de glamour, certes, mais une vie souvent plus durable ; et s’il était propriétaire ou héritier, cela pouvait représenter une richesse bien plus solide qu’un salaire de ville, car le village offrait un tissu social fort, des repères, et une continuité familiale.

J’ai passé plusieurs jours sur cette situation intrigante, presque digne d’un roman rural du XIXe siècle ; je me suis d’ailleurs demandé ce qui avait bien pu motiver le choix de Jean.

Mais c’était sans compter sur les pressions familiales : il est possible que les deux familles aient poussé à un engagement, chacune espérant une alliance avantageuse. Les promesses de mariage étaient souvent négociées par les parents, et notamment par le « patriarche ». On peut également penser que Jean, en tant que cultivateur, pouvait chercher à renforcer sa position sociale ou économique. Reine, étant du même village, aurait pu représenter une union plus stable ou avantageuse sur le plan foncier. Quant à Marie, le fait qu’elle vienne de Saint-Martin-du-Puy pourrait indiquer une rencontre lors d’une foire, d’un marché ou par l’intermédiaire d’un parent. Elle aurait pu apporter une dot intéressante ou une nouveauté séduisante.

La réponse se trouve très certainement dans les archives notariales….

Quoiqu’il en soit, troisième problème résolu !