Dans cette vallée reculée, trois fermes à l’avenir incertain.
Tout d’abord celle de La Vallette, un homme taiseux, tenu éloigné de la guerre à cause d’une invalidité à la main ; il est un fermier égoïste, alcoolique, aussi violent avec sa femme qu’avec ses voisins parce que la terre ne se partage pas, elle se défend, elle s’endure. Il est aussi laborieux que plein de haine, prêt à en découdre à la moindre tension, et surtout, fier que son fils soit parti pour la guerre.
Puis la ferme du vieux Léonard et de sa femme, un paysan âgé, plein de sagesse et de bienveillance. Deux vieux qui renferment un lourd secret, qui les ronge de l’intérieur.
Et enfin, encore plus haut, les Lary : depuis que son père est parti au front, Joseph, quinze ans, grandit sous le poids du labeur et des non-dits ; sensible et courageux, il doit assumer de grandes responsabilités, notamment prendre soin de la ferme familiale avec sa mère et sa grand-mère.
Un village au demeurant paisible - Saint Paul de Salers - mais l’équilibre fragile du quotidien bascule lorsque la guerre éclate et que Hélène et sa fille Anna arrivent à la ferme de La Valette.
Rapidement, sous la poussière et l’ombre des collines, les cœurs s’enflamment, les corps s’attisent, et les rancœurs fermentent.
Loin de la folie des tranchées, les désirs s’emmêlent comme les racines sous la terre, dans la moiteur des étables et des granges, dans la brutalité des âmes trop longtemps retenues. L’amour et la haine se heurtent, se mêlent dans un tango de boue et de sueur, tandis que là-bas, au loin, le monde se consume sous la mitraille. Ici, c’est une autre guerre, plus intime, plus sauvage, où l’on se bat pour une poignée de terre, pour un regard, pour une place dans un monde trop petit.*
Avec le talent qui le caractérise, Franck Bouysse dépeint la dureté de la vie rurale et les drames humains qui se jouent dans l'ombre de la guerre. Il excelle dans la description des paysages, des ambiances et des détails du quotidien, créant un univers visuel et sensoriel très riche. Sa prose est très littéraire, avec un soin particulier pour la construction des phrases et le choix des mots. Cela donne une dimension presque lyrique à son écriture.
Les pensées et les sentiments des personnages sont décrits avec une intensité qui nous plonge dans leur intimité, révélant leur complexité et leurs contradictions. L'auteur joue souvent sur les oppositions, mêlant des passages empreints de tendresse ou de beauté à des scènes de d'extrême violence ou de souffrance.
Avec une écriture aussi rugueuse que la glaise qu’il sculpte, Franck Bouysse – un auteur si talentueux - nous entraîne dans une fresque âpre et lumineuse, où le destin des hommes est pétri par les caprices du ciel et les humeurs du sol.
Malgré tout, si l’écriture est presque toujours poétique – si limpide et si agréable à lire - elle n’en demeure pas moins crue, brute, sauvage ; l’auteur aborde sans ambiguïté les thèmes de la terrible guerre de 14-18, la solitude, les rancunes tenaces, mais aussi l’amour et l’espoir.
Ce livre est un roman de fureur et de chair, un chant paysan où l’on s’aime et l’on se déchire sous l’œil impassible d’un Dieu qui, sûrement, a tourné les talons.
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