lundi 7 avril 2025

Quelques idées reçues.... encore bien tenaces sur la généalogie !

Faire de la généalogie, c’est partir à la recherche de ses racines. Mais c’est aussi naviguer entre clichés, préjugés et idées toutes faites qui collent à la peau de cette passion.

Non, il ne faut pas être vieux, riche, noble ou informaticien pour s’y mettre.
Non, on ne passe pas ses journées à fouiller des grimoires poussiéreux dans une cave.
Et non, la Révolution n’a pas tout détruit !

Voici donc un petit tour d’horizon (non exhaustif) de ces fausses idées qui résistent encore… et qu’on va gentiment démonter, une par une.

1/ Faire de la généalogie est prétentieux

Sous l’Ancien Régime, les nobles s’intéressaient à leur généalogie pour bénéficier de certains avantages fiscaux et surtout, obtenir la faveur du Roi.

Au 19ème siècle, il n’y a plus d’avantages fiscaux, mais un statut social à mettre en avant ! De grands bourgeois se mirent alors à faire la généalogie de leur famille pour prouver l’ancienneté de la « situation avantageuse » de leur famille.

J’ai quelquefois entendu autour de moi, que chercher ses ancêtres, c’est vouloir se « donner un genre », se croire un lien avec une noble lignée ou chercher à se valoriser. Pourtant, la généalogie n’a rien à voir avec l’orgueil !

C’est avant tout une quête de mémoire. Une manière de comprendre d’où l’on vient, de relier les fils du passé, et de redonner vie à celles et ceux que le temps a fait tomber dans l’oubli. Ce n’est pas une recherche de prestige, mais un travail de curiosité, d’humilité et souvent, bien trop souvent… d’émotion.

Faire de la généalogie, c’est aussi s’intéresser à l’Histoire avec un grand H, à travers le prisme des vies ordinaires : celles de paysans, de couturières, d’ouvriers, de soldats ou d’immigrés. Des histoires simples, mais vraies. Des vies qui ont fait la nôtre.

Comme ma famille ordinaire….

2/ Un nom à particule exprime la noblesse

Certes, les patronymes à particule, comme « de », « du », « d' », « le », « la », etc... sont souvent associés à la noblesse, mais ils n'indiquent pas systématiquement une origine noble.

Ils peuvent être liés à une origine géographique, comme par exemple, « de Montagne » peut signifier que la famille venait d'une région montagneuse, sans qu'elle soit noble.

Les particules étaient utilisées par des familles bourgeoises ou paysannes pour indiquer un lien avec un lieu ou une propriété, plutôt qu'un titre noble.

Est-il nécessaire de préciser ici que pour confirmer une origine noble, il faut généralement retrouver des preuves concrètes, comme des lettres patentes, des enregistrements dans les ordres de la noblesse ou des archives spécifiques.

N’oublions pas qu’en généalogie, il est toujours préférable de se baser sur des preuves plutôt que sur des suppositions.

3/ Les familles ayant des armoiries sont nobles

À l'origine, les armoiries étaient utilisées au Moyen Âge pour identifier les chevaliers sur les champs de bataille ou lors de tournois, mais elles ne signalaient pas nécessairement une noblesse ; à une époque où bien peu de personnes savaient écrire, même parmi les chevaliers, les cachets armoriés ont servi de signature. On trouve donc des armoiries utilisés par des bourgeois et des paysans aisés dès le Moyen Age ; d’ailleurs les armoiries étaient alors personnelles ; elles ne deviendront familiales que beaucoup plus tard.

Bien que certaines familles nobles aient des armoiries, des familles non nobles ont aussi adopté des blasons pour symboliser leur métier, leur région ou leur héritage culturel.

Les artisans, commerçants et corps de métier avaient leurs propres blasons pour représenter leur activité, sans lien avec la noblesse.

Si les armoiries sont un élément fascinant à explorer, mais elles ne sont pas une garantie de noblesse.

4/ Faire de la généalogie c’est vivre dans le passé

Chercher ses ancêtres, ce n’est pas fuir le présent ni s’enfermer dans la nostalgie. C’est au contraire un moyen de mieux comprendre le monde d’aujourd’hui, à travers le parcours de celles et ceux qui nous ont précédés.

C’est explorer les choix, les épreuves, les espoirs et les migrations qui ont construit notre histoire familiale, et parfois même nos valeurs, nos traditions ou notre façon d’être.

La généalogie n’est pas un retour en arrière, mais une passerelle entre les générations. Elle nous relie, elle nous éclaire, elle nous ancre. Elle donne du sens à nos racines, pour mieux avancer dans le présent — et transmettre, demain, une mémoire vivante.

5/ Toutes les archives ont été détruites à la Révolution

Il est vrai que certaines archives, notamment seigneuriales ou ecclésiastiques, ont été détruites — parfois brûlées par les révolutionnaires, parfois perdues par négligence ou pillées. Mais une immense partie des archives paroissiales (baptêmes, mariages, sépultures) avait déjà été recopiée dans les registres d’état civil à partir de 1792. Beaucoup de registres originaux ont également été conservés.

Les archives notariales, militaires, judiciaires ou cadastrales ont, elles aussi, traversé les siècles. Et aujourd’hui, grâce au travail de classement, de numérisation et de sauvegarde des services d’archives départementales, il est souvent possible de remonter jusqu’au XVIIe siècle, voire plus loin.

Alors non, la Révolution n’a pas tout emporté. Elle a marqué un tournant, mais n’a pas effacé la mémoire.

6/ Faire de la généalogie coûte cher

On peut croire que la généalogie est un loisir réservé à ceux qui ont beaucoup de temps… et d’argent. Pourtant, il est tout à fait possible de débuter (et d’avancer !) sans dépenser une fortune.

Bien évidemment, si à chacun de vos voyages généalogiques, vous descendez dans les meilleurs hôtels de la région et que vous fréquentiez les restaurants gastronomiques, vous allez dépenser beaucoup d’argent !… mais vous aurez des souvenirs….

Les bases de données des archives départementales sont en ligne, en accès gratuit. On peut consulter des registres paroissiaux, des recensements, des actes notariés et bien d’autres documents sans bouger de chez soi.

Des sites comme Geneanet ou Filae proposent des services payants, mais aussi beaucoup de ressources accessibles gratuitement. Et surtout : les échanges entre passionnés sont souvent la plus belle richesse. Forums, arbres partagés, entraide bénévole… La généalogie, c’est aussi une grande communauté.

Alors oui, on peut choisir d’investir dans un abonnement, des livres ou des déplacements. Mais on peut aussi progresser pas à pas, avec curiosité, patience et passion, sans vider son porte-monnaie.

7/ Autrefois les gens ne voyageaient pas beaucoup

On imagine souvent nos ancêtres comme enracinés à vie dans leur village natal. Pourtant, la mobilité existait bel et bien, même si elle prenait d’autres formes que les nôtres.

Certes, certains ont passé toute leur vie dans un rayon de quelques kilomètres. Mais d’autres ont bougé par nécessité : pour se marier, chercher du travail, fuir la misère ou les guerres, s’engager dans l’armée, ou suivre les grands chantiers (canaux, chemins de fer, mines…). Et n’oublions pas les grands mouvements migratoires : exode rural, émigration vers l’Amérique, déplacements saisonniers…

Même au sein d’un département, on découvre souvent des ancêtres venus d’ailleurs : du village voisin, d’une province éloignée, ou même d’un autre pays.

Alors non, ils ne prenaient pas l’avion… mais nos aïeux bougeaient plus qu’on ne le croit.

Et d’autres encore, sur la généalogie numérique !

8/ Les tests ADN remplacent la recherche traditionnelle

Les tests ADN peuvent être un outil intéressant en généalogie, surtout pour retrouver des branches perdues, confirmer une filiation ou découvrir des cousins inconnus. Mais ils ne remplacent pas le travail patient de recherche dans les archives.

L’ADN peut dire avec qui on partage des segments génétiques, mais il ne peut pas dire qui était votre arrière-grand-mère, où elle est née, ni comment elle a vécu. Il ne donne ni dates, ni lieux, ni histoires.

La généalogie traditionnelle, avec ses registres, ses actes, ses recensements et ses archives familiales, reste la seule voie pour reconstituer une lignée complète et documentée. L’ADN est un coup de pouce, un complément, parfois un déclencheur… mais pas un raccourci magique.

La recherche d’ADN n’est qu’un complément d’informations.

9/ Les outils numériques font tout le travail

Et oui, la généalogie a changé. Aujourd’hui, on peut consulter des registres en ligne, utiliser des moteurs de recherche, créer des arbres en quelques clics. Mais les outils numériques ne font pas tout.

Ils facilitent l’accès, mais c’est à nous de lire, de vérifier, de comprendre : une date mal transcrite, un homonyme, une mauvaise connexion automatique… et l’erreur peut se glisser sans qu’on s’en rende compte.

Faire de la généalogie, ce n’est pas cliquer sur un bouton et attendre que l’arbre pousse tout seul. C’est interpréter les documents, recouper les sources, faire preuve d’esprit critique. C’est aussi questionner, douter, parfois revenir en arrière pour mieux avancer.

Les outils sont formidables. Mais la vraie richesse, c’est la rigueur du chercheur, sa pugnacité… et la passion qui l’anime.

Un arbre en ligne généré en deux clics avec des correspondances automatiques, ce n’est pas de la généalogie — c’est du copier-coller de données parfois bancales. Quelques-uns s’y sont essayés…. Mais ils se sont brulés les ailes, à vouloir aller trop vite, à vouloir monter trop haut… Et il a fallu tout recommencer !

Les outils numériques sont utiles, puissants même. Mais ils ne savent pas lire entre les lignes, débusquer une erreur de prénom, reconnaître un ancêtre mal orthographié, ou deviner qu’il y avait deux « Jean Clave » dans le même village landais.

Faire de la généalogie, c’est fouiller, croiser les sources, se poser des questions, douter, recommencer. C’est vous le cerveau, pas l’algorithme !

Bref : les outils sont là pour vous aider, pas pour penser à votre place...

10/ La technologie moderne résout tous les blocages généalogiques

Spoiler alert : même les logiciels les plus sophistiqués ne peuvent pas faire parler un registre brûlé, un ancêtre illégitime, ou une lignée qui s’est perdue dans la brume du XVIIe siècle.

Les blocages qu’on rencontre tous un jour ne tombent pas d’un clic. Parfois, ils résistent des années. Et ce n’est pas une IA ou une base de données qui va magiquement faire apparaître un acte manquant ou résoudre un mystère familial vieux de 200 ans.

La technologie aide, oui. Elle donne des outils formidables. Mais le vrai travail, c’est encore vous qui le faites : en creusant, en recoupant, en cherchant là où personne n’a encore pensé à regarder.

L'IA est un allié exceptionnel pour accélérer et faciliter la recherche en généalogie, mais elle fonctionne mieux en complément de la perspicacité humaine.

La généalogie reste une aventure qui combine technologie, patience et intuition personnelle.

Alors non, la technologie ne fait pas de miracle. Mais avec un bon chercheur derrière l’écran, parfois… elle ouvre une brèche.

11/ Les outils numériques sont difficiles à utiliser

Je répondrai tout simplement : pas plus qu’un registre écrit à la plume en latin du XVIIIe siècle ou en écriture gothique !

Soyons honnêtes : oui, au début, les plateformes généalogiques, les archives en ligne ou les bases de données peuvent paraître un peu techniques. Mais on apprend vite. Et surtout, c’est bien plus simple que de se rendre dans une mairie à 300 km pour consulter un registre jauni, fort mal écrit ou à moitié effacé.

Les outils numériques sont faits pour aider, pas pour embrouiller. Il faut juste prendre un peu de temps pour les apprivoiser. Et bonne nouvelle : des milliers de généalogistes amateurs (de tous âges) y arrivent très bien ! Alors pourquoi pas vous !

Le plus difficile, ce n’est pas la technologie. C’est de savoir quoi chercher, où chercher, et comment interpréter ce qu’on trouve. Et ça, ça vient avec la pratique — pas avec l’âge ou le niveau en informatique….

Alors pas de panique : les outils numériques, ça se dompte. Et une fois qu’on a compris comment ça marche, on ne peut plus s’en passer.

*

J’espère vous avoir convaincus que la généalogie numérique est une merveilleuse opportunité d'explorer son histoire familiale, mais elle nécessite toujours patience, rigueur et esprit critique. 

Alors, vous commencez quand ?



dimanche 6 avril 2025

Orphelins 88 de Sarah COHEN-SCALI

Munich 1945, juste après la Seconde Guerre mondiale. Josh, un garçon de 12 ans qui a survécu aux camps de concentration, souffre d'amnésie ; il ne se souvient ni de son identité ni de son passé. Les Alliés l'envoient dans un orphelinat - Indersdorf - où il commence un voyage pour retrouver ses souvenirs et comprendre qui il est.

*

Le livre explore des thèmes complexes du programme « Lebensborn » des nazis, visant à créer une « race aryenne parfaite », et les conséquences psychologiques de la guerre sur les enfants. Josh est confronté à des souvenirs fragmentés, des contradictions identitaires, et des défis émotionnels dans un monde en reconstruction.

C'est surtout une quête poignante d'identité et de résilience dans un contexte historique fort bien documenté.

Ce livre Orphelins 88 n'est pas une histoire vraie, mais il est inspiré de faits historiques. L’auteur Sarah Cohen-Scali s'appuie sur des éléments réels liés à la Seconde Guerre mondiale, comme le programme Lebensborn et ses enfants kidnappés et « germanisés », la chute du régime nazi abandonnant une Allemagne en ruines, les camps de concentration et les traumatismes vécus par les survivants, les orphelinats d’après-guerre où de nombreux enfants se retrouvaient abandonnés, sans famille ni repères, tentant de reconstruire leur vie.

Les thèmes sont abordés avec une grande sensibilité, rendant le récit aussi introspectif que puissant : c'est une œuvre qui pousse à réfléchir sur ce que signifie être soi-même, surtout lorsque tout a été réduit en miettes par des événements traumatiques et que l’on est un enfant.

Si le personnage de Josh est fictif, son expérience reflète les histoires de nombreux enfants ayant perdus leur identité et leurs familles à cause de la guerre. À travers lui, l'auteure explore le processus de reconstruction de souvenirs ; les flashbacks et les fragments de mémoire qui émergent dans son esprit révèlent l’ampleur des traumatismes liés au programme Lebensborn et à la guerre. Josh se lance alors dans un voyage pour découvrir qui il est, confronté à des éléments de son passé qui le définissent, mais qui sont aussi troublants et contradictoires.

L'auteure mélange donc réalité historique et imaginaire pour créer un récit émotionnel et évocateur ; ce qui donne une belle profondeur au roman tout en sensibilisant le lecteur à des thèmes historiques majeurs.

*

Pour en savoir plus :

(277) Livres du moment : Interview de Sarah Cohen-Scali - Orphelins 88 -YouTube

Nationalpolitische Erziehungsanstalt — Wikipédia

Majdanek et Lublin | Encyclopédie multimédia de la Shoah

Camp d'extermination de Majdanek (Pologne)

Ghetto et camp de concentration de Theresienstadt — Wikipédia

Feldafing | Encyclopédie de l’Holocauste

Dossiers sur le destin des enfants à l’époque nazie et après celle-ci -Archives Arolsen

Pogrom de Cracovie de 1945 — Wikipédia

Napola, les écoles d'élite du IIIe Reich I Documentaire complet 2e guerre mondiale

Les libérations des camps et le retour des déportés

jeudi 3 avril 2025

Victor Valentin BRY (1891 - 1920)


Victor Valentin BRY est né à Vigneux le 8 octobre 1891 : il est le fils aîné de Gustave César et de Gabrielle THEVENET.

Cinq ans plus tard, nait son frère Joseph Lucien puis deux années encore après son petit frère Émile voit le jour. Toute la famille réside à Vigneux, aux alentours des Fouilles dans le quartier de la Sablière.

Les « Fouilles » et la « Sablière » sont des quartiers étroitement liés à l'extraction du sable ; les sablières étaient des carrières où le sable était extrait directement du sol, souvent à l'aide de machines comme les excavateurs à godets, introduits par Alphonse Couvreux, tandis que les fouilles désignaient des zones où le sable était extrait après avoir été dragué dans le lit de la Seine.


 
Ces activités ont marqué l'histoire industrielle et sociale de l’Essonne, transformant le paysage local et contribuant à la construction du Paris haussmannien. Aujourd'hui, ces sites sont devenus des espaces naturels, tel que le lac Montalbot à Vigneux ou bien la base de Loisirs Le Port aux Cerises, à Draveil.

En 1906, la famille s’installe à l’Orme des Mazières, un immense domaine lié à l’exploitation sablière.

D’un tempérament plus autonome, Victor Valentin sera marinier sur une péniche, tandis que ses deux frères seront terrassier et manœuvre ; Gustave César a réussi à faire embaucher ses enfants aux Fouilles ; il faut dire que le travail ne manque pas !

Victor Valentin ne ménage pas sa peine sur la péniche ; à 15 ans il sait déjà manipuler les cordages et les ancres. Il a appris à nettoyer le pont, entretenir les équipements et effectuer de petites réparations sous la supervision des mariniers plus expérimentés. Il aide vaillamment au chargement et au déchargement du sable transporté sur la Seine.

À 16 ans, il est un fin observateur et connaît déjà bien les techniques de navigation, comme la lecture des courants et des signaux fluviaux. Mais ce qu’il préfère entre tout, c’est naviguer sur la Seine, c’est échapper aux contraintes de la terre ferme, vivre au rythme du fleuve et de ses caprices.

Chaque lever de soleil sur l’eau lui rappelle qu’il appartient à un monde en mouvement, où l’horizon est sans cesse renouvelé. Entre les escales et les longues heures de navigation, il apprend l’autonomie, le respect des éléments et la fierté de perpétuer un savoir-faire ancestral. Sur la péniche, il se sent maître de son destin, porté par le courant d’une vie hors du commun.

Une vie hors du commun, peut-être, mais le quotidien le rappelle à son bon souvenir ; à ses vingts, Victor Valentin se fait recenser ; et le 8 octobre 1912, il est incorporé au 4ème régiment de Génie, en qualité de 2ème sapeur mineur.

La loi du 21 mars 1905 avait instauré un service militaire universel de deux ans pour tous les jeunes hommes âgés de 20 ans. Toutefois, en 1913, une nouvelle loi allonge la durée du service à trois ans, mais en 1912, c'est encore la durée de deux ans qui s'applique. C’était sans compter sur cette terrible guerre….

Le 4ème régiment de génie était une unité spécialisée dans le génie militaire de l'armée française. Créé en 1875, il avait pour mission de soutenir les opérations militaires, notamment dans les zones montagneuses comme les Alpes. En 1912, le régiment est basé à Grenoble et se compose de plusieurs bataillons, tels que les 7ème, 8ème et 14ème bataillons du génie. Ces unités étaient responsables de la construction et de l'entretien des infrastructures militaires, comme les ponts et les routes, ainsi que de la mise en œuvre de matériels spécifiques pour les zones difficiles d'accès.

La vie aurait pu être si simple…..

Mais le destin en a décidé autrement, et le 27 septembre 1913, Victor Valentin est envoyé au Maroc Oriental, avec le 26ème Bataillon du Génie.


En 1913, la France consolide son contrôle sur le Maroc après l'établissement du protectorat français en 1912, officialisé par le traité de Fès. Sous la direction du maréchall Louis-Hubert Lyautey, la France mène des campagnes de « pacification » pour réduire les résistances locales, notamment dans les régions montagneuses et rurales. Ces opérations militaires visent alors à sécuriser les zones stratégiques et à établir une administration coloniale stable.

Le bataillon est impliqué dans diverses opérations : des travaux de terrassement, de soutien aux opérations militaires, les communications, avec des détachements télégraphistes et des sapeurs conducteurs, des travaux d'infrastructure et des missions de soutien logistique. L’objectif est tout simplement d’intégrer le Maroc dans l'empire colonial français.

Mais la présence française est souvent mal accueillie par les Marocains. Les élites proches du pouvoir voit dans ce « protectorat » une opportunité de modernisation et de stabilité face aux tensions internes et aux pressions internationales. Cependant, une grande partie de la population - zones rurales et tribus - résiste à cette domination étrangère, considérée comme une atteinte à leur souveraineté et à leurs traditions.

Des mouvements de résistance armée, comme ceux menés par Ahmedal-Hiba ou les tribus berbères, s’organisent, rejetant l'autorité coloniale et revendiquant l'indépendance de leur pays. Guercif, où stationne le bataillon de Victor Valentin, située dans la région de l'Oriental au Maroc, joue un rôle stratégique important durant cette période ; la ville se trouve à un emplacement clé, au confluent de plusieurs rivières, et sert de point de contrôle pour les abords nord-est du Moyen Atlas et les routes reliant Fès, Oujda et d'autres régions.

Les combats entre les troupes françaises et les résistants marocains sont d’une brutalité inouïe ; les soldats français, souvent de très jeunes recrues, font face à une guérilla farouche menée par des combattants marocains déterminés à défendre leur terre. Les batailles se transforment en massacres, marquées par des assauts violents, des représailles sanglantes et des conditions de combat éprouvantes sous un soleil écrasant.

Le 26 novembre 1913, Victor Valentin n’en peut plus : il décide de fuir. Poursuivi pour désertion, il parvient à se cacher durant plusieurs mois avant de franchir la frontière algéro-marocaine le 26 août 1914, alors que la guerre fait rage en Europe.

Dès le lendemain, le 27 août, il rejoint une nouvelle compagnie, espérant ainsi régulariser sa situation et échapper aux sanctions. Mais les épreuves ne tardent pas : après seulement quelques semaines de campagne, il tombe malade et doit être évacué le 6 novembre 1914.

Après une courte convalescence, il est de nouveau affecté à une unité le 14 novembre 1914. La guerre continue de l’user physiquement et moralement. Le 9 août 1915, son état de santé se dégrade encore, nécessitant une hospitalisation. Quel motif ? On a l’embarras du choix : typhus, paludisme, dysenterie, tuberculose ? Aucune précision sur sa feuille matricule.

Après plusieurs semaines de soins, il est finalement renvoyé au dépôt le 29 septembre 1915, mettant temporairement fin à son errance entre les combats et les hôpitaux.

Mais il n’a pas dit son dernier mot : détenu dangereux ? Certes Victor Valentin n’est pas un individu malfaisant, mais tout simplement un condamné incorrigible et avide de liberté ; il recevra une peine de 3 ans et une « dégradation militaire de la Division du Maroc le 12 janvier 1918 pour désertion en présence de l’ennemi. » Il est écroué le 30 janvier 1918 à la prison militaire d’Albi pour une peine de travaux publics « pour les besoins de la Défense Nationale » ; et il s’évade le 22 août de la même année ! Employé à la gare d’Orléans, il profite d’une diversion pour prendre la tangente….

Dans les derniers mois de la guerre, la situation des établissements pénitentiaires est particulièrement critique, au regard d’un surpeuplement important et d’un encadrement insuffisant voire défaillant. Mais dit-on pas que le malheur des uns fait le bonheur des autres !

Incorrigible et surprenant, Victor Valentin le demeurera jusqu’à son dernier jour…

Après sa surprenante évasion, il retrouve refuge sur une péniche, profitant à la fois de l’anonymat et de la mobilité qu’offre ce mode de vie ; et puis, il faut continuer à vivre ; la péniche constitue alors un lieu discret, propice à la clandestinité tout en lui permettant de travailler.

Et dans une France en pleine reconstruction à la fin de la guerre, les autorités sont moins vigilantes surtout dans les zones rurales ou isolées. Fugitif, Victor Valentin peut se fondre plus facilement dans le quotidien des mariniers, une communauté solidaire et soudée. IL a pu ainsi bénéficier de leur hospitalité et passer entre les mailles du filet !

Vivre sur une péniche offre une précieuse autonomie : la possibilité de se déplacer de région en région en évitant les regards indiscrets. Mais vivre sur une péniche est aussi source de d’accidents voire de chute pouvant être fatale.

Cet hiver 1919 est marqué par des conditions météorologiques extrêmes ; l’eau est particulièrement froide sans être toutefois gelée mais le pont est glacé.

Le lundi 22 décembre 1919, bien que n'étant pas marqué par un événement politique majeur en France – une France qui se remettait peu à peu des traumatismes laissés par la Première Guerre mondiale – il fait vraiment très froid ; Victor Valentin travaille d'arrache-pied et met sa péniche à flot pour quitter le port de Samois sur Seine et se dirige tout droit vers l’écluse de Charrettes, quelques kilomètres plus haut. Noël approche à grands pas, et il a hâte de retrouver sa femme, son enfant et toute sa famille. Pressé d’achever sa dernière livraison avant les festivités, il redouble d’efforts.

Mais alors qu'il avance sur le pont de la péniche, il perd brusquement l'équilibre. Son pied glisse sur une surface rendue traîtresse par l'humidité et le gel. En un instant, il bascule par-dessus bord et s’abîme dans l’eau glacée. Le froid le saisit aussitôt, lui coupant le souffle tandis que le courant l’entraîne au loin.

Que s’est-il exactement passé ? Pourquoi a t-il glissé si vite ? Etait-il trop fatigué par ses longues heures de travail ? A t-il manqué de vigilance, lui qui d'ordinaire était si attentif ? Une mauvaise collaboration avec l’éclusier ?

Le corps du marinier, emporté par les eaux tumultueuses de la Seine, poursuit sa dérive jusqu'à être retenu par l'écluse de la Citanguette, près de vingt kilomètres plus loin, à Saint-Fargeau. Son décès ne sera constaté que le 2 février 1920….

Nul ne pourra expliquer à sa veuve les circonstances de ce tragique accident ; nul ne pourra se justifier de ne pas l’avoir secouru….

Mais tous baisseront la tête, gardant en mémoire ces terribles crues qui ont rendu la Seine si dangereuse...


Pour en savoir plus :

Essonne : la riche histoire de ces anciennes sablières devenues des espacesnaturels

Vigneux-sur-Seine - Le temps des Sablières - Vigneux-sur-Seine

Conquête française du Maroc – YouTube

Les prisons militaires (SHD) (attention 149 pages!)

Rivière de Seine, traversée de Paris (1833-1983)

Péniches, barges... le transport au fil de l'eau - Fondation Berliet

La Seine gelée - Histoires de Paris

lundi 31 mars 2025

Actu MARS 2025


 Voici des actualités glanées ça et là,

des articles repérés sur des blogs...



GENEANET

Les mises en ligne de la semaine du 13 mars

Les mises en ligne de la semaine du 20 mars

L’état civil et les registres paroissiaux de l’Isère

Nouveau projet mémoriel consacré aux Résistants FFI pendant la Seconde Guerre mondiale

Avez-vous fait votre testament généalogique ?

L’état civil et les registres paroissiaux de l’Ardèche

*


FamilySearch Blog

À propos des Canadiens français

Découvrez votre ascendance canadienne

*


La Revue Française de Généalogie

Un monument rend hommage à l’immigration italienne àNogent-sur-Marne

Exposition sur "L'épopée des manuels scolaires"

Un nouvel écrin pour les archives numérique de Lot-et-Garonne

Les archives de Saint-Pierre-et-Miquelon s'enrichissent pour les généalogistes

TSA indexées par Filae : 58 % des départements déjà en ligne

Le Cher publie une partie des dispenses pour mariage

Nouvelles ressources en ligne dans le Finistère

La généalogie de Louison Bobet

Notaires et cadastre à l’honneur dans la Loire

Antistar ,l’arbre de celles et ceux avec qui on ne voudrait surtout pascousiner

L'Eure-et-Loir enrichit ses archives en ligne

Un premier recensement des réfugiés espagnols indexé en ligne grâce à Girophares

Quand les ancêtres posent des lapins… c'est à vous de résoudre l'énigme !

*


FILAE

Les tables de successions et absences de l’Allier sont indexées !

Nettoyer et contrôler sa généalogie : les outils Filae

*


GENEA
FINDER

Filles-Mères dans l'Histoire : des parcours généalogiques difficiles

Retrouver les femmes en généalogie : 9 astuces de recherche

Nos ancêtres au coeur de la grande Histoire - comment faire des chronologies ?

*


GALLICA

Exposition Apocalypse Images

Les premières femmes élues au Conseil de la République

Les tracts de la Seconde Guerre mondiale à la Réserve des livres rares

Développement du Sport dans les catalogues du Bon Marché

Les 150 ans de Maurice Ravel

Habits de prêtres : achat sur place ou à distance

*


ARCHIVES & CULTURE

Et avant les registres matricules ? – Film 396

Une maison bombardée pendant la guerre ? – Film 397

Archives inexplorées...


*


LA FRANCE PITTORESQUE

Exposition Camille Benoit : une collection extraordinaire

Louise Labé, la Belle Cordière. Poétesse de la Renaissance. Portrait,biographie

Le calendrier républicain vu par les grands écrivains

Exposition Feuilleter Notre-Dame : chefs-d'œuvre de la bibliothèque médiévale

Plumes, encriers et crayons jadis

Campagnols : rongeurs dévastateurs et source de superstitions

1805 : des Canadiens demandent à Napoléon de reconquérir le Canada

*


LA GAZETTE DU VENDREDI

La Grande Guerre et les Morel de Lavoine : correspondance familiale et (…)

Trois fois exilée…

GAÜ de Campagne: 1874 - Deux sacristains se gourment sévèrement dansl’église de Campagne-de-Marsan (Landes).

Dîme et défrichements en Gascogne et Quercy au XVIIIe siècle - Persée

Le décès de Jules Verne - Amiens Métropole

Elle tue l’époux qui ne peut la satisfaire

Emile Renault, fusilier marin du Commando Kieffer Mort pour la France le 6 (…)

Un destin tragique pendant la guerre franco-allemande 1870 – 1871

Pourquoi le mariage se passe dans la maison du père de la mariée ?

Railleries

Un divorce en 1710 ?

Retour à Djibouti

La visite de Napoléon III à Beaumont (Auvergne) le 29 juin 1862

*

GENEALOGIE : mode d’emploi

Tutoriel - Faire une recherche inversée à partir d'une image - YouTube

Que retrouver à l'aide des Concessions funéraires ? par Christiane Menot et François Lerebourg - YouTube

Les bibliothèques numériques patrimoniales, ressources précieuses pour les recherches généalogiques (Généalogie Alsace)

Annuaires généalogiques (Généalogie pratiques)

*

DES SITES, DES BLOGS et aussi des histoires…. (c’est désormais ici)

*

DES PODCASTS, A ÉCOUTER

DES VIDEOS A REGARDER, SANS MODERATION….…

Personne n’a oublié la série de Chasseurs d’Héritiers : Secrets de Famille, Héritiers inconnus.. Enquête avec les Experts - Reportage - KM - YouTube

Pour ce mois de mars, j’ai revu avec grand plaisir chaque épisode.

*

ET CE MOIS-CI je vous propose

RADIO MON PAIS

Histoire de la petite vérole : la maladie qui a terrorisé le XVIIIe siècle- YouTube

*

Bonne lecture et belles trouvailles

Et pour ne rien perdre de toute cette actualité, cliquez sur l’image ci-dessous