samedi 7 juin 2025

Jean BEAUJON (1880 - 1927) : une inexorable descente aux enfers (1/2)

Après m’être attardée sur l’histoire de Francine BAROIN, mon Agrand-mère paternelle – et SOSA 11 – voici mon Agrand-père et conjoint de Francine.

« Je m’appelle Jean BEAUJON ; je suis né le 2 avril 1880 à Gouloux, un petit village en Bourgogne. Je suis le 4ème enfant d’une fratrie de 10. Je suis né l’année de la mort du père Baudiau, ce curé célèbre pour ses écrits sur le Morvan. Ah Gouloux, le village des sabotiers, qui disent, mais il y a aussi beaucoup de propriétaires exploitants, des cultivateurs, des fermiers, deux instituteurs, un meunier, une blanchisseuse, une couturière, un aubergiste et un épicier, des nourrices bien sûr, des gens de maison (serviteurs et domestiques) et même quelques rentiers…

Mon père Claude est sabotier, mais moi, je quitterai cette région de misère ; je ne serai pas sabotier comme mon père ! Foutu métier, j’en ai même perdu une phalange à l’index droit… Moi, je ferai quelque chose de ma vie et j’irai voir du pays !

Et j’en ai vu du pays ! J’ai d’abord épousé ma « Francine » ; paraît que la « p’tite Jeannette » était en route, alors… On s’est installé à Chissey en Morvan, à 4 heures de marche de chez moi…. Ah, ne riez pas, j’ai plein de projets dans la tête….

Je ne suis peut-être pas un beau gosse, mais avec mon 1,61m et mes yeux gris, je l’ai emballée la « Francine » ; j’ai travaillé avec son père comme cultivateur mais j’avais besoin d’autre chose.

Je me suis fait prendre la main dans l’sac comme on dit ; j’avais écopé de 3 mois avec sursis en 1901 mais ma majorité m’a sauvée ; j’ai incorporé le 13ème RI comme soldat de 2ème classe ; et j’ai même reçu un certificat de bonne conduite ! 

A la fin du service, on a voulu reprendre un nouveau départ : avec Francine, on est parti pour Montereau-Fault-Yonne au 77 rue Grande ; on a laissé la gosse à mes parents, à Gouloux. Francine et moi, on a travaillé d’arrache-pied chez Belliot et on a pu racheter son café : une aubaine ! Je servais les gars et Francine faisait la cuisine.

On avait bien discuté ensemble : elle a pris le nom de Françoise et moi celui d’Adrien ; je trouvai que ça sonnait mieux. On avait enfin quelque chose à nous.


J’étais fier comme Artaban quand j’ai vu l’annonce Au Coq Hardi dans l’Informateur, le Journal Républicain régional et indépendant; je m’en souviens comme si c’était hier, on était le 25 avril 1908. Alors on a repris la p’tite Jeannette avec nous et on s’est installé rue Couverte, juste au dessus du café.

On a pris une bonne, Marie, pour s’occuper des gosses ; Jeannette a eu des frères et sœurs : d’abord André, Madeleine, René, puis la p’tiote Marguerite qu’a vécu que 3 jours et notre pauvre Alice qui est morte à 13 mois….

J’crois qu’on était pas malheureux, on mangeait à notre faim, on travaillait beaucoup, je ne sais pas ce qui m’a pris…. J’ai replongé et j’ai pris 13 mois de prison ferme pour vol par recel le 23 mai 1911.

En janvier 1912, on a redéménagé ; on s’est rapproché de la capitale, au 294 rue Etienne Marcel à Bagnolet. C’était difficile avec Francine, on se disputait souvent, elle me reprochait mon penchant pour l’alcool, et mes mois de tole. Elle ne s’en sortait plus avec les gosses ; faut dire que Francine, les gosses, c’était pas son truc…. On a repris notre travail comme ouvriers cordonniers ; Jeannette nous aidait bien. On était un peu à l’étroit dans notre logement, alors on est parti pour Montreuil-sous-Bois au 116 rue de Lagny….

Et puis, il a fallu partir à la guerre ; ils disaient qu’elle n’allait pas durer, qu’on allait leur donner une belle raclée aux Boches. Tu parles ! J’avais 33 ans et j’étais en train de perdre ma famille. Si j’avais su….»