1875 : deux publications de bans à un mois d’intervalle ;
Une première publication entre Pauline et un certain Girard Georges le 5 septembre 1875. Mais pourquoi une seconde publication avec Jean qui sera mon SOSA 21 ?
Georges Girard est un « journalier » de 34 ans, fils majeur et naturel de Jeanne Girard, avec laquelle il demeure à Autun ; il est veuf de Catherine Guilleminot – décédée des suites de l’accouchement - sans enfant à charge, puisque les deux enfants nés de cette union sont décédés en bas âge. Que s’est-il donc passé pour que le mariage n’ait pas eu lieu ?
La publication des bans est une procédure officielle visant à annoncer publiquement l'intention de deux personnes de se marier ; cette annonce, affichée dans les lieux publics, généralement à la mairie, permet à toute personne ayant des objections légitimes de les exprimer avant la célébration du mariage.
Il est possible que la mère de Georges ait posé son véto au vue d’un mariage avec une « élève de l’Hospice d’Autun ». Et si Georges avait changé d’avis ?…. Quoiqu’il en soit il épousera Catherine Saclier, une jeune femme de 17 ans sa cadette et dont le père est facteur rural.
Et si Pauline était follement tombée amoureuse de Jean…. Le mystère demeure entier : pour preuve que la généalogie ne peut tout expliquer ! Il faut bien que nos ancêtres aient leur part de « jardin secret »…..
Toutefois j’ai ma petite idée, et pas très romantique, dois-je avouer.
Sur la deuxième publication, puis la troisième, qui aboutiront à l’union effective de mes AAgrand-parents, il est précisé que Jean est « propriétaire » à Chissey en Morvan ; voici donc un bien meilleur parti qu’un simple journalier….
Lorsque je recherche les actes d’état civil, j’ai pour habitude de consulter les pages d’avant et celles d’après l’acte trouvé ; une petite routine qui permet notamment de s’apercevoir d’un décès d’enfant avant ou bien juste après celui de sa mère… Et pour l’exemple qui m’intéresse, j’ai constaté que le même jour, à une heure d’intervalle, dans la même commune, Pauline BOIVILLE et Jean BAROIN se sont unis en même temps que Jacques BRETIN et Françoise BAROIN ; mais oui, vous avez bien lu Pauline et Jacques ont épousé le frère et la petite sœur d’une même famille….
Je pourrai alors légitimement me poser la question d’une aventure amoureuse entre Pauline et Jacques et que sous la pression paternelle de Claude, le couple ait décidé de « rester proches » tout en respectant les conventions sociales et les souhaits de leurs familles. Mais alors, pourquoi nommer son enfant « Etienne » ; Pauline a perdu son premier enfant en 1873 et le premier garçon qu’elle portera de Jean aura également ce même prénom….
Tout me laisse à penser qu’Etienne Bretin était « l’amant » de Pauline et que Claude a négocié les deux mariages : un mariage double pour des motifs économiques mais aussi pratiques. Cela permettait de réduire les c oûts et de rassembler les familles et les amis pour une seule célébration ; de plus, Pauline partait s’installer sur Chissey en Morvan, berceau de la famille Baroin, tandis que Jacques vivrait sur Lucenay l’Evêque, au moins pour quelques temps, avant de revenir sur Chissey.
Claude, en effet, est persuadé d’avoir fait les bons choix pour l’héritage de sa famille : un bon gendre doit avoir des compétences et des connaissances en agriculture ; il doit aussi être capable de gérer les terres et de contribuer au travail des champs. La réputation de sa petite Pauline n’avait pas encore atteint les contrées du village de Chissey et la famille Baroin ne semblait pas très regardante, d’autant plus qu’il avait « cédé » son fils aîné à la plus jeune de la famille ; Françoise semblait être une « bonne fille » ; Claude est donc très satisfait : son garçon représente une force de travail précieuse et sa future bru contribuera directement à la subsistance de leur foyer ; il voyait bien que sa femme Pierrette déclinait d’année en année.
Quant à Etienne Bretin, il épousera une jeune « assistée » de 26 ans sa cadette en 1894, soit près de 19 ans après celui de Pauline et de son frère : une coïncidence ou bien une blessure d’amour inguérissable ?
Dans les campagnes du XIXe siècle, bien loin du tumulte des grandes villes, les cœurs battaient avec la même ardeur, mais les amours contrariées prenaient souvent des allures de tragédie silencieuse. Les unions étaient dictées par la raison plus que par la passion, soumises aux volontés patriarcales, aux impératifs économiques et aux exigences sociales.
Combien de jeunes filles ont vu leur amour balayé par un mariage arrangé, scellant leur destin à un homme choisi par leurs parents plutôt qu’à celui qu’elles chérissaient en secret. Rien ne me permet d’écrire que Pauline fut heureuse ou malheureuse d’avoir pliée aux injonctions familiales.
Tout ce que je sais, c’est qu’elle n’aura que deux enfants : Etienne, l’ainée et sa jeune soeur Francine, huit ans plus tard, mon Agrand-mère paternelle, plutôt réputée pour son « sale caractère » ; si elle a réussi à balayer les conventions, sa vie ne fut pas un long fleuve tranquille. La liberté d’une femme est dure à acquérir loin des carcans sociaux.
Mais, ça, c’est une autre histoire à raconter….
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Pour en savoir plus :
Fiche d'aide à la recherche (AD82)
Enfants trouvés et abandonnés d e la Gironde - 19ème siècle
Le collier d’un enfant abandonné
Enfants abandonnés et enfants assistés à Rouen dans la seconde moitié du XVIIIe siècle (Persée)
Le travail des enfants au 19ème siècle
Léon FANDOR, enfant trouvé, patronyme inventé
Les Enfants-Trouvés de André Delrieu (Cairn)
La découverte d’un secret de famille
Alexandrine, le prénom d’une enfant trouvée
Les enfants assistés en France
De "l'enfant trouvé" à "l'enfant assisté" d’Anne Cadoret