samedi 8 février 2025

BUTT Felix (1823 – 1875) dit Thevenard ou bien Thevenay (2/2)

Pourquoi Felix BUTT s’est-il exilé au cœur de la forêt morvandelle et pourquoi a t-il changé de patronyme en BUTT TAVERNAY ?

Au départ, je me suis demandée s’il n’avait pas retrouvé sa mère nourricière, mais il n’aurait pas gardé le nom de BUTT.

Ensuite, j’ai pensé qu’il se cachait à cause de la consonance « allemande »

En 1871, les troupes prussiennes étaient présentes dans la région et ont mené des opérations militaires pour sécuriser leurs positions et contrer les mouvements des troupes françaises. Mais le premier enfant né avec le patronyme TAVERNAY BUTT est né en 1858 !

Alors que penser ?

Je n’avais donc pas d’autre solution que de regarder dans la presse locale.

Mais avant de vous révéler ma « trouvaille », penchons-nous un peu sur ces habitants du Morvan.

Les Morvandiaux habitent une région montagneuse et forestière, souvent inhospitalière, une terre exigeante qui a façonné les hommes et les femmes à l’image de la rudesse de leur environnement. Ce sont des paysans à l’allure vive et débordants de ruse.

Chaque morvandiau possède un fusil, chasse oblige bien sûr. Partie intégrante du mobilier, l’arme est souvent accrochée au-dessus de la cheminée ; elle est avant tout un outil. Pour le paysan, elle est d’abord un compagnon de chasse : gibier, volatiles ou parfois même nuisibles, tout ce qui peut améliorer l’ordinaire finit dans la marmite. Mais le fusil est aussi un moyen de protéger sa ferme des rôdeurs ou des loups qui restent une menace pour le bétail.

Mais au-delà de son utilité, le fusil symbolise aussi un certain esprit frondeur. Héritiers d’une longue tradition de défiance envers l’autorité, les paysans n’aiment guère qu’on leur marche sur les pieds. Si le maire de la commune a quelques difficultés à se faire entendre, les gendarmes ne sont pas les bienvenues et les morvandiaux préfèrent régler leurs différents entre eux. Il n’est pas rare que les esprits s’échauffent, les insultes s’échangent et les mains se crispent sur la gachette.

Avoir le sang chaud, posséder une arme de chasse, c’est une nécessité pour tout morvandiau qui veut survivre et se faire respecter.

Dans les contrées aussi reculées que celle du Morvan, la loi peine à s’imposer ; pourtant, lorsqu’il a y meurtre, le juge de paix doit intervenir.

Dans le journal des débats politiques et littéraire du 5 mars 1853, je découvre qu’un assassinat a été commis le 29 décembre 1852 « sur un sieur Picoche, meunier à Gouloux (…) contre lequel une première tentative de meurtre avait déjà été dirigée ».

Le moulin de Gouloux a été construit au début du 19ème siècle et il fonctionnera jusqu'en 1920. Il est alimenté par le ruisseau Bridier et utilise des roues à augets pour moudre la farine et produire de l'huile. Au cœur d’un lieu sauvage et difficilement accessible, le moulin contribue au mieux-être de tous les villageois.

Le Sieur PICOCHE, meunier de son état, a été victime d’un premier attentat le 26 juillet 1852. Avec son épouse et son domestique LEBEAU, ils résidaient au Montbe. Il faut croire que monsieur et madame PICOCHE ne s’appréciaient pas beaucoup car, aux dires des différents témoins auditionnés, ils se battaient régulièrement.

Le 30 décembre 1852, PICOCHE succombe à ses coups mortels. LEBEAU rode et se cache dans la forêt….

La plupart des familles de Gouloux ont été entendue et donc Felix s’est également exprimé ; ce « LEBEAU », à la mine plutôt patibulaire, semble faire peur à tous ; il n’hésite pas à faire du chantage et des menaces de mort, que les villageois ne prennent pas à la légère.

Tout porte à croire, cependant, que l’assassin est LEBEAU, et sa complice n’est autre que son amante, madame PICOCHE ; le premier est incarcéré à la prison de Chateau-Chinon et la seconde à la prison de Nevers.

On peut comprendre que les morvandiaux restent choqués par cette sordide affaire, portée devant les tribunaux et à la vue de tous.

Dans le Morvan du XIXᵉ siècle, l’état civil présente de nombreuses particularités qui rendent la recherche généalogique parfois complexe. Les registres sont souvent succincts, se limitant aux informations essentielles sans détails complémentaires. L’orthographe y est approximative, les noms de famille pouvant varier d’un acte à l’autre en fonction de la prononciation et de la compréhension de l’officier d’état civil. Cette imprécision s’explique par une oralité prédominante dans une région rurale, où une grande partie de la population était illettrée. Les déclarants énonçaient les événements de leur vie à voix haute, laissant aux officiers d’état civil le soin de transcrire selon leur propre interprétation. Ainsi, on observe des variations dans les noms et prénoms, des erreurs de dates et des omissions qui compliquent le travail des généalogistes d’aujourd’hui.

Mais je ne suis pas au bout de mes peines….

Du fait de l’absence de numérisation des recensements de Saint-Brisson entre 1820 et 1876, je suis dans l’incapacité de préciser si le couple BUTT TAVERNAY – TROUILLER est resté sur cette commune….

Ce que je sais, par contre, c’est que les enfants ont tous quitté le nid familial ; et c’est en cherchant le devenir de ces enfants que j’ai eu l’assurance que Felix BUTT dit THEVENARD se faisait nommer Felix BUTT THEVENAY…..

Cette histoire démontre bien que lorsque l'on entreprend des recherches généalogiques, il est essentiel de ne pas se limiter à la lignée directe de nos ancêtres. Les parents collatéraux - les frères, sœurs, oncles, tantes, cousins et autres membres de la famille élargie - peuvent jouer un rôle crucial dans la compréhension de l'histoire familiale.

Si je n’avais pas recherché d’autres enfants, je n’aurai pas retrouvé toute la lignée ; leurs parcours a pu m’offrir d’autres perspectives supplémentaires.

Sur l’acte de mariage de l’enfant Jean-Marie, j’ai bien la confirmation de la filiation ; il a d’ailleurs fallu le témoignage de deux personnes « qualifiées » pour attester de la véracité du patronyme de Félix.

J’apprends également le décès de Félix le 1er janvier 1875 à Saulieu : il n’a que 51 ans ; dans cette commune de la Côte d’Or, je retrouve l’aînée de la fratrie, Françoise, et sa famille, qui réside également au lieu-dit des Gravelles.

Au décès de son conjoint, Reine n’a que 45 ans ; elle travaille en qualité de « domestique » chez monsieur RATAT, à Champeau-en-Morvan, une petite commune à l’ouest de Saint-Brisson. Elle y restera jusqu’au la fin de ses jours, en 1886.

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