samedi 22 février 2025

Deux publications de bans (1/2)

Comment se construire « femme » puis « mère » lorsque l'on a été une enfant abandonnée en 1851 et quelle référence maternelle transmettre : voilà une interrogation - bien complexe dans ses réponsesque je me pose toujours lorsque j’évoque mon SOSA 23, c’est-à-dire Anatoline Pauline BOIVILLE.

C'est une question profonde qui touche à l'identité, à la transmission mais aussi à la résilience.

Dans une société du XIXe siècle où la place de la femme est largement définie par son statut marital et maternel, Pauline doit surmonter de nombreux obstacles : un manque d’attaches familiales, une situation sociale précaire, et parfois la stigmatisation.

Certaines jeunes filles ont pu se construire à travers des modèles alternatifs : une Soeur bienveillante dans son éducation, une figure maternelle de substitution - nourrices ou patronnes - ou encore en forgeant leur propre indépendance à travers le travail comme couturières, domestiques, institutrices ou autres.

Plusieurs facteurs entrent alors en jeu : le contexte de l’abandon - enfant trouvée et confiée à l’Assistance publique ou bien placée chez une nourrice - un environnement favorable en famille d’accueil – et pas n’importe laquelle ! – plutôt qu’en institution charitable, et puis – pour ne pas dire surtout ! - des figures féminines qui ont marqué son parcours : une rencontre providentielle peut changer une destinée….

Mais à l’image de trop nombreuses femmes de son époque, Pauline s’est tournée vers le mariage. Dans nos « familles ordinaires », point de belles études qui coûtent trop chères, point de grandes instructions pour faire des enfants ! Car en fait, que demandait-on à une jeune fille bien élevée ?? Savoir coudre et broder, savoir faire la cuisine, s’occuper des enfants, honorer son époux et… se taire….

Une fois mariée, la jeune épouse passe sous la protection – j’ai failli écrire le « joug » lapsus ! - de son mari. La norme est donc le mariage, et d’autant plus pour une enfant assistée.

Alors, oui, le mariage est LA solution pour sortir de sa condition….

Mais avant le mariage, Pauline a eu quelques déboires pour trouver le bon partenaire. Bien évidemment, replaçons-nous dans le contexte et ne jugeons pas les actes de nos ancêtres avec nos yeux et nos mentalités d’aujourd’hui….

*

Très rapidement, Pauline est confiée au couple BRETIN-LACOUR, marié depuis 1841 et qui réside sur Lucenay l’Evêque, une petite commune située en Saône-et-Loire, dans la belle région du Morvan  ; en 1851, il avait déjà 3 garçons : Etienne 10 ans, Jacques 5 ans et Etienne que je nommerai « Junior » 3 ans :

Un petit « Louis » est décédé le 16 juillet 1851 à l’âge de 4 jours : est-ce ce décès brutal qui incita le couple a adopté Pauline ? De fait, cette enfant permettra d’atténuer les douleurs des montées de lait et de surcroît, en sa qualité de petite fille, viendra ensuite seconder la maman dans les tâches du quotidien.

Sur le recensement de 1856, je vois que Pauline est bien inscrite dans la famille, avec une faute dans le patronyme, mais lorsque l’on feuillette les registres, on commence à s’y habituer….

La famille BRETIN réside toujours dans le même hameau de Volmay ; le fils aîné Étienne a 15 ans et est très certainement parti travailler dans un village voisin. Jacques 10 ans et Étienne « Junior » 8 ans sont bien au domicile avec la petite Pauline.

La période qui m’intéresse est celle qui suit 1872 ; le 8 mai 1872, Pauline met au monde un petit garçon – au prénom très original de « Etienne » - mais dont le père n’est pas nommé ; c’est son père nourricier Claude qui effectue la déclaration auprès de la mairie de Lucenay ; est-il le père de l’enfant ? Est-ce Etienne ? Jacques ? Ou bien un autre….

A peine 20 ans et donc encore mineure, née sous le signe de l’abandon, Pauline aurait pu reproduire l’histoire, céder à la facilité de l’oubli, fuir comme sa mère biologique avant elle. Mais elle a choisi un autre chemin : celui de l’amour, de la responsabilité, de la rupture avec un passé trop lourd.

Enfant sans repères, elle sait mieux que quiconque le poids du vide et le silence des origines. Alors, quand la vie lui a offert ce bébé aux racines floues, elle a refusé de perpétuer la douleur. Peu importe l’absence du père – le secret s’évanouira avec le temps - peu importe les murmures et les jugements, elle a décidé de le garder, de l’aimer, de lui offrir ce qu’elle n’a pas eu : une présence, un foyer, une histoire qui commence avec elle et non dans l’ombre d’un abandon, dans un panier avec une vieille couverture miteuse et un châle qui n’a que trop vécu.

Elle a brisé la chaîne. Parce que l’amour est plus fort que le destin. Pauline est bien décidé à le choyer cet enfant, même s’il fait déjà grincer quelques dents. Elle a bien surpris des regards désapprobateurs, entendu quelques phrases assassines. Une femme seule, un bébé sans père : il n’en fallait pas plus pour que les jugements moralisateurs fusent et l’accablent.

Pierrette lui a dit qu’elle se compliquait la vie, qu’un enfant sans repères, c’était un fardeau ; elle aussi, sait de quoi elle cause : sa propre mère l’a déposée à l’Assistance Publique de Paris et n’est jamais revenue la prendre….

Certains ont chuchoté qu’elle ferait mieux de tourner la page, comme si l’amour pouvait se choisir ou s’effacer d’un revers de main. Mais elle, elle a tenu bon. Et puis Claude a dit « maintenant qu’il est là, il faut lui donner un prénom ! ». Pauline avait compris que ce père nourricier ne refuserait pas l’enfant. Il avait parlé. « C’est un garçon, on lui trouvera toujours du travail ! ».

Parce qu’au creux de son ventre, elle sentait une vie qui grandissait, une évidence plus forte que les convenances. Parce qu’elle savait, mieux que personne, ce que signifiait l’abandon, ce vide qui ronge et qui marque à jamais. Alors, elle a fait son choix. Un choix d’amour, un choix de courage. D’un terrible courage.

Peu importe les jugements, peu importe les mots dans son dos. Elle a décidé de garder son bébé, de lui offrir une place dans ce monde, de lui prouver qu’il était désiré, même si le destin en avait décidé autrement. Ah, le destin est souvent cruel… L’enfant n’a pas survécu au-delà de 16 mois…. Fin de l’histoire. La vie reprend son cours.

Mais Pauline n’a pas dit son dernier mot.

1875, deux publications de bans à un mois d’intervalle :

  • Une première publication entre Pauline et un certain Girard Georges le 5 septembre 1875 (AD 71 n°21 page 83)

  • Une seconde publication suivie d’une troisième entre Pauline et Jean Baroin le 17 octobre 1875 (AD 75 n° 23 et 25 page 84) : enfin mon SOSA 22 !

Jean Baroin est mon AAgrand-père paternel. Mais qui est Girard Georges ?

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