Odette est née pendant la Première Guerre mondiale à Gray, en Haute-Saône, et a grandi dans un mystérieux orphelinat franc-maçon à Paris dans les années 1930. Son parcours la mène jusqu'aux horreurs du nazisme, et son histoire est marquée par le silence et l'invisibilité qu'elle a adoptés comme identité. Monnin, en pleine introspection, décide de redonner vie à cette femme en apparence sans histoire, en reconstituant son passé à partir de souvenirs et d'archives.
C'est un récit profondément humain qui interroge la mémoire familiale et la transmission des histoires oubliées. Et pourquoi trois façons ?
L’auteure reconstruit la vie de sa grand-mère à travers trois approches distinctes :
Des souvenirs personnels d'enfance et des bribes de mémoire exposés au fil de la reconstitution
Une enquête historique avec des recherches approfondies, en fouillant les archives et en interrogeant les membres de sa famille pour reconstituer les faits
Et enfin la fiction : face aux zones d'ombre et aux silences, Isabelle MONNIN comble les vides en imaginant ce que sa grand-mère aurait pu vivre, donnant ainsi une dimension romanesque à son récit.
Cette approche en trois temps permet à l'autrice de redonner vie à une femme qui semblait avoir disparu dans l'oubli ; c’est donc à la fois une enquête intime, une réflexion sur la condition féminine et l'oubli historique.
La lecture de ce livre m’a immédiatement replongée dans l’écrit d’Alain Corbin Le Monde retrouvé de Jean-Louis Pinagot que j’ai lu il y a déjà de très nombreuses années, alors que je ne participais à aucun challenge de lecture. Si les deux auteurs partagent une approche similaire – celle de redonner vie à des figures ordinaires – les méthodes sont différentes : Isabelle Monnin mêle souvenirs, recherches et fiction, tandis que Alain Corbin adopte une démarche historique rigoureuse, mais avec une dimension hautement littéraire. La première cherche à reconstruire la vie de sa grand-mère, tandis que le deuxième choisit au hasard un sabotier du XIXe siècle pour en faire le sujet de son enquête.
L’histoire d’Odette Froyard est peut-être un peu trop intime pour moi ; Odette est une grand-mère qui aurait pu être la mienne, tant son environnement me semble familier…. cependant, elle démontre bien que l'Histoire n'est pas seulement faite de grands personnages et d'événements majeurs, mais aussi de vies ordinaires qui méritent d'être racontées.
Mémoire et oubli, invisibilité et condition féminine, secrets tus et non-dits enfouis : ce livre distille, avec finesse, tous les ingrédients d’un grand récit sur l’héritage et la transmission.
A lire et à relire, sans aucune modération.