Quatrième de couverture : « Un jour, grand-père m’a dit que j’étais un enfant de salaud.
Oui, je suis un enfant de salaud. Mais pas à cause de tes guerres en désordre papa, de tes bottes allemandes, de ton orgueil, de cette folie qui t’a accompagné partout. Ce n’est pas ça un salaud. Ni à cause des rôles que tu as endossés : SS de pacotille, patriote d’occasion, résistant de composition, qui a sauvé des Français pour recueillir leurs applaudissements. La saloperie n’a aucun rapport avec la lâcheté ou la bravoure.
Non. Le salaud, c’est l’homme qui a jeté son fils dans la vie comme dans la boue. Sans trace, sans repère, sans lumière, sans la moindre vérité. Qui a traversé la guerre en refermant chaque porte derrière lui. Qui s’est fourvoyé dans tous les pièges en se croyant plus fort que tous : les nazis qui l’ont interrogé, les partisans qui l’ont soupçonné, les Américains, les policiers français, les juges professionnels, les jurés populaires. Qui les a étourdis de mots, de dates, de faits, en brouillant chaque piste. Qui a passé sa guerre puis sa paix, puis sa vie entière à tricher et à éviter les questions des autres. Puis les miennes.
Le salaud, c’est le père qui m’a trahi. »
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Le narrateur, journaliste, suit le procès de Klaus Barbie, ancien chef de la Gestapo à Lyon ; le procès débute le 11 mai 1987 devant la cour d'assises du Rhône ; ce sera le premier procès en France pour crime contre l'humanité, marqué par des témoignages poignants de survivants et une forte médiatisation.
Parallèlement à cet événement marquant dans l’histoire judiciaire française, le narrateur découvre la vérité sur son propre père, dont le passé trouble sous l’Occupation contraste avec les récits héroïques qu’il lui a toujours racontés.
Une simple phrase de son grand-père : « ton père pendant la guerre, il était du mauvais côté. (…) c’est un enfant de salaud, et il faut qu’il le sache ! » et tout a basculé : il voulait tout savoir….
Ce contexte judiciaire va lui offrir une occasion unique de demander des explications, de confronter son père à ses contradictions et à ses silences.
« C’était comme si la présence de Klaus Barbie lui avait redonné de la force, de la morgue, de la haine. Voir le SS, observer son sourire, écouter sa tranquille assurance l’avait galvanisé. Au premier jour du procès, j’avais espéré qu’il entendrait raison. Que le jeune collaborateur de 22 ans, condamné en 1945, se retrouve comme face à ses juges. Qu’il mesure le chemin parcouru. Et qu’il me parle. Qu’il m’entraîne après l’audience pour quelques bières de vérité. Non papa, tu n’étais pas à Berlin en 1945. Non tu n’as pas combattu avec le dernier carré du bataillon Charlemagne. Tu étais en taule, imbécile ! »
Le ton du livre est intense, poignant, profondément introspectif. L’auteur mêle une colère contenue à une quête de vérité, oscillant entre le récit personnel et l’histoire collective. Son écriture est quelquefois incisive mais toujours sincère, où l’émotion brute se mêle à une réflexion sur la mémoire et la filiation.
Vous ne serez pas à l’abri de verser une petite larme : la description des victimes, des tortures qui leur ont été infligées, créent une atmosphère lourde et bouleversante ; l’ambiance au procès est pesante ; les confrontations entre père et fils sont intenses et déchirantes.
S. Chalandon exprime une douleur intime, tout en conservant une certaine tendresse envers ce père mythomane, un homme profondément troublé, pris dans ses propres contradictions et hanté par ses choix.
Un magnifique roman qu’il faut avoir lu….
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Pour en savoir plus :
L’environnement- Maison d'Izieu
Klaus Barbie : archives d'un procès / sous la dir. de Bernard-Henri Lévy (Gallica)
Textes et dessins des enfants d'Izieu Histoire (Gallica)
Comment Izieu est devenu un symbole : l'histoire d'une entreprise de mémoire (France Culture)
Le procès de Klaus Barbie (France Inter)
Le procès de Klaus Barbie, le « boucher de Lyon » (Ministère de la Justice)
De Klaus Barbie à Klaus Altmann (Chemins de Mémoire)
Le procès de Klaus Barbie - Les épisodes en replay | France TV