samedi 26 avril 2025

Actu AVRIL 2025

 Voici des actualités glanées ça et là,

des articles repérés sur des blogs…


Dans le domaine des actualités généalogiques, il est impossible de tout lire tant les informations sont nombreuses et variées. Pour ne pas se perdre, il est essentiel de faire un premier tri.

Une bonne méthode consiste à cibler en priorité les actualités qui sont en lien direct avec les quatre branches de nos grands-parents. Cela permet de concentrer ses recherches sur les zones géographiques, les patronymes ou les contextes historiques qui ont un véritable intérêt pour notre propre arbre généalogique.

Ensuite, ces informations doivent être classées méthodiquement. La bibliothèque Zotero est particulièrement utile pour cela : elle permet de stocker, organiser et annoter les ressources repérées, afin de les retrouver facilement et de construire une base documentaire solide au fil du temps.

Pour celles et ceux qui ne connaissent pas, Zotero est un logiciel de gestion bibliographique libre, gratuit et multiplateforme. Il est conçu pour aider les utilisateurs à collecter, organiser, citer et partager des références bibliographiques et des documents de recherche, comme des fichiers PDF ou des images ; Zotéro est donc un outil très pratique pour la généalogie, mais pas que ! Vous pouvez tout classer : vos grilles de tricot et de point de croix, vos articles de photos, vos recettes de cuisine, vos cours d’étudiants…..


1. ACTUALITES L’indexation collaborative sur Geneanet : une mémoire partagée

GENEANET est une plateforme incontournable pour les passionnés de généalogie – pour ma part, j’utilise également FILAE en complément de mes recherches. Mais derrière chaque arbre, chaque nom, chaque date, se cache un immense travail collectif, rendu possible grâce à l’indexation collaborative.

L’indexation collaborative consiste à transcrire, annoter et classer les documents d’archives mis à disposition (registres d’état civil, recensements, TSA, cartes de combattant, etc.), afin de les rendre plus facilement consultables et exploitables par tous. Ce travail est effectué bénévolement par des membres de la communauté, chacun apportant sa pierre à l’édifice.

Grâce à l’indexation, les informations contenues dans les documents ne sont plus seulement visibles, elles deviennent accessibles par mots-clés. Pour moi, il est important de participer concrètement, même sans être expert, à un projet commun : car l’indexation collaborative est bien plus qu’un travail de transcription : c’est un geste altruiste, un engagement pour la transmission, et une aventure collective au service de la mémoire.

Après plusieurs d’interruption – prise par d’autres activités qui ne sont plus ajourd’hui – je peux désormais m’inscrire dans de nouvelles indexations collaboratives.

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GENEANET 

Les mises en ligne de la semaine du 24 avril

Les mises en ligne de la semaine du 10 avril

Les mises en ligne de la semaine du 3 avril

Les mises en ligne de la semaine du 31 mars

L’état civil et les registres paroissiaux de l’Eure-et-Loir

Comment retrouver vos cousins grâce à Geneanet

Les recensements de l’Yonne

Les recensements du Val-de-Marne


FamilySearch Blog

Un guide des différents types de calendriers

Angel Island : l'Ellis Island de l'Ouest

Qu'est-ce que la Généalogie ? Commencer votre propre aventure généalogique


La Revue Française de Généalogie

Six nouveaux documents français salués comme Mémoire du Monde

Toutes les archives de Niort en un portail

Plongez dans les archives et l’histoire de Pantin

Pas-de-Calais : les Archives passent à la vitesse supérieure pour la numérisation

Le Haut-Rhin met en ligne les tables des registres matricules pour les classes 1922 à 1940

FamilySearch 2025 : des archives enrichies, des outils dopés à l’IA

FamilySearch rachète la Bibliothèque généalogique et prépare sa numérisation

De nouvelles fonctionnalités pour la carte des archives médicales

Secrets d'info enquête sur la généalogie génétique policière

Loire-Atlantique : Rezé met en ligne ses archives et son patrimoine

Les Archives des Vosges créent leur accès réservé

Ardennes : un site rajeuni et de nouvelles ressources en ligne

L’Hérault facilite l’accès aux déclarations de succession


GENEAFINDER

Enfants trouvés, abandonnés, assistés : comment les retrouver dans lesarchives ?

Les 8 erreurs les plus fréquentes en généalogie | Guide pour débutants et passionnés

Généalogie : organisez vos recherches avec un gestionnaire de tâches


Le blog GALLICA

Maurice Sachs : un personnage romanesque au destin tragique

Quand la table présidentielle entre à la BnF

Les hôpitaux d'Amiens, une histoire séculaire | Blog | Gallica


ARCHIVES & CULTURE

Les casques de 14-18 – Film 398

Organiser une cousinade – Film 399

Pourquoi donc des œufs à Pâques ? – Film 400

Les séries des archives départementales – Film 401


LA FRANCE PITTORESQUE

Influence du chapeau sur la politesse. Haut-de-forme, tricorne et chapeau depaille

15 février 1788 : Louis XVI abolit la question préalable

Le Saint-Esprit : un bijou du Cantal traversant les siècles

Tohu-bohu. Origine, étymologie mots de la langue française

Épopée du champagne alsacien dans des galeries de Pfastatt (Haut-Rhin,Alsace)

Véritable macaron de Saint-Émilion : une recette secrète depuis 1620

Balzac casseur de vitrine. Brèves d'Histoire de France. Miettes historiques


LA GAZETTE DU VENDREDI

Le document du mois – Archives départementales de l'Ariège : les porteurs de glace

Les actes de mariage des villes corréziennes à la veille de laRévolution et leurs apports. Essai méthodologique - Persée

Une énigme généalogique résolue ?

Sans famille… et pourtant ! Quelle famille !! (1e partie)

Sans famille… et pourtant ! Quelle famille !! (2e partie)

Des charrettes et des blés. L'approvisionnement du marché d'Auxerre auXVIIIe siècle - Persée

Emigration : vers les ports d’embarquement – Généalogie Alsace

Il la terrasse à coups de sabot

L’Érythrée italienne

Meurtre en forêt - Archives départementales de l'Aisne

Est-il possible de compter les morts de la Vendée ? - Persée

En 1879, le récit d’un gendarme qui a transporté des forçats en Nouvelle (…)

Jean Pissevin, matelot sur un navire négrier

GAÜ de Campagne: Jean Gaüzère (1789-1859), conscrit (peu enthousiaste)sous Napoléon.

Un médecin de Fontenay-le-Comte au début du XVIIIe siècle - Persée

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2. GENEALOGIE : mode d’emploi

Le dictionnaire biographique des victimes du nazisme en Normandie est en ligne (Le quotidien de la généalogie)

Les archives de la Croix-Rouge ( Généalogie Alsace)

Faire la généalogie de sa maison (Murmures d’ancêtres)

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3. DES SITES, DES BLOGS et aussi des histoires…. (c’est désormais ici)

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4. DES PODCASTS, A ÉCOUTER

DES VIDEOS A REGARDER, SANS MODERATION….…

À travers les destins croisés de cinq résistantes, Philippe Collin retrace, en 10 épisodes, le rôle crucial longtemps oublié des femmes dans la lutte intérieure et extérieure face au nazisme entre 1940 et 1944 : Geneviève de Gaulle, Mila Racine, Lucie Aubrac, Simonne Mathieu et Renée Davelly.

Le putsch de la brasserie : épisode 1/10 du podcast Les Résistantes

Au bord de l’abîme : épisode 2/10 du podcast Les Résistantes

La drôle de guerre : épisode 3/10 du podcast Les Résistantes

La chape de plomb : épisode 4/10 du podcast Les Résistantes

Obéir, c'est trahir : épisode 5/10 du podcast Les Résistantes

Dans la gueule du loup : épisode 6/10 du podcast Les Résistantes

Il est minuit, Chrétiens ! : épisode 7/10 du podcast Les Résistantes

La traversée de la nuit : épisode 8/10 du podcast Les Résistantes

Sur un champ de ruines : épisode 9/10 du podcast Les Résistantes


Le pouvoir au village est une histoire en communs dans les villages médiévaux. Au Grand Siècle, qui sème le blé, récolte le pouvoir pour le coq du village. Au temps des notables, c’est le maire qui est au centre de la communauté et voici que naît un projet politique, de la Commune au communalisme.

Villages médiévaux, une histoire en communs : épisode 1/4 du podcast Au village, une histoire politique

Un coq dans son village, portrait d’un laboureur au Grand Siècle : épisode 2/4 du podcast Au village, une histoire politique

Au temps des notables, le maire au centre du village : épisode 3/4 du podcast Au village, une histoire politique

De la Commune au communalisme, histoire d'un projet politique : épisode 4/4 du podcast Au village, une histoire politique


Attention : certains propos peuvent heurter les oreilles sensibles

De 1943 à 1945, Josef Mengele, le médecin SS d’Auschwitz-Birkenau va être à l’origine de l’assassinat de plus d’un million de personnes. Une sorte de grand ordonnateur de la vie et de la mort qui va s’adonner sans borne à des expérimentations médicales sur des cobayes humains.

Des cobayes humains : épisode 1/4 du podcast Josef Mengele, l’ange de la mort

La banalité du mal : épisode 2/4 du podcast Josef Mengele, l’ange de la mort

Docteur Mengele et Mister Gerhard : épisode 3/4 du podcast Josef Mengele, l’ange de la mort

Le justiciable trompe la mort : épisode 4/4 du podcast Josef Mengele, l’ange de la mort


Ils sont des milliers à être passés par cette grande porte de l’Est. Artistes, soldats, rescapés, réfugiés, transportant avec eux leurs peurs, leurs souvenirs et leurs espoirs.

Une nouvelle ligne : épisode 1/4 du podcast Gare de l'Est, allers et retours

La gare des guerres : épisode 2/4 du podcast Gare de l'Est, allers et retours

A travers le rideau de fer : épisode 3/4 du podcast Gare de l'Est, allers et retours


Ce sont des enquêtes généalogiques, celle d’une famille ordinaire dans l’histoire de France, et celle de deux familles dans la Révolution, les Payan et des Jullien. Ce sont des conversions en famille dans la Rome du 16ᵉ siècle et des familles parallèles : les écarts d’une dynastie royale.

Le pape pour parrain, histoires de conversions en famille : épisode 1/4 du podcast Portraits de familles

Familles parallèles, les écarts d’une dynastie royale : épisode 2/4 du podcast Portraits de familles

Les Payan et les Jullien, deux familles dans la Révolution : épisode 3/4 du podcast Portraits de familles

Histoire d’une famille ordinaire, enquête généalogique : épisode 4/4 du podcast Portraits de familles

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5.INSOLITE

Déportation des juifs : 9 épisodes peu connus de la Seconde Guerre mondiale - Ça m'intéresse

Ecclésiastiques catholiques de 1881 à 1905 | Girophares, projets collaboratifs de transcription et d’indexation des Archives nationales de France.

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6.
RIEN QUE POUR VOS YEUX…. Et les oreilles

Paname : Histoire secrète du surnom le plus légendaire de Paris

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7. ET CE MOIS-CI, je vous propose....

Je suis toujours à la recherche de blogs personnels consacrés à la vie de nos ancêtres.
Qu’il s’agisse de récits de vie, de souvenirs de famille, d’histoires locales ou de recherches généalogiques, ces témoignages précieux m’intéressent beaucoup.

Voici un blog sur les Landes :

GAÜ de Campagne : Mais pourquoi donc avoir renvoyé des Poilus tuberculeux du front mourir à la maison ?

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Bonne lecture et belles trouvailles

Et pour ne rien perdre de toute cette actualité, cliquez sur l’image ci-dessous

mercredi 23 avril 2025

Nicolas DEIBER (1813 – 1882)

Quand on se lance dans la généalogie, on pense d’abord aux noms, aux dates, aux liens familiaux. Mais très vite, on se rend compte que retracer l’histoire de ses ancêtres, c’est aussi remonter le fil de la grande Histoire. Chaque génération a vécu dans un contexte particulier, marqué par des événements, des guerres, des changements de frontières et des bouleversements sociaux.

Et quand, comme moi, on a des racines en Alsace, ce lien avec l’Histoire devient encore plus évident, je dirai même incontournable. Car l’Alsace, à elle seule, est un concentré d’Histoire mouvementée : tantôt française, tantôt allemande, elle a vu ses habitants changer de nationalité sans changer de maison. Comprendre le parcours de mes ancêtres alsaciens, c’est aussi plonger dans les complexités de cette région frontière, si riche, si chargée d’émotions et de mémoires.

Voici donc l’histoire de Nicolas DEIBER.

Nicolas : voici un prénom qui possède une résonance particulière en Alsace, car il est associé à Saint Nicolas, une figure emblématique et profondément enracinée dans la culture et les traditions alsaciennes. La fête de Saint Nicolas, célébrée le 6 décembre reflète l'influence à la fois germanique et catholique sur l'identité régionale. Car je n’oublie pas que le grand-père paternel de Nicolas, Johannes (Jean), est venu au début du XVIIIème siècle de sa Bavière natale.

L'Alsace a commencé à être intégrée à la France en 1648, grâce aux traités de Westphalie, qui ont mis fin à la guerre de Trente Ans. Auparavant, l’Alsace appartenait au Grand Empire Germanique. L'intégration complète de la région ne s’est pas faite sans douleur, culminant en 1681 avec l'annexion de Strasbourg par Louis XIV : cette date est d’ailleurs souvent considérée comme le moment où l'Alsace est devenue définitivement française.

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Nicolas est donc né le 7 janvier 1813 à Oberhaslach, en Alsace ; il est mon SOSA 32.

Nicolas est le fils de Nicolas, tailleur de pierres et également membre du Conseil Municipal – une belle intégration patriotique - et de Anne Marie TRENCK, alsacienne depuis plusieurs générations. Il est le 5ème enfant d’une fratrie de 11 ; avant lui, sont nés :

  • Florent, son aîné de 9 ans : il sera tailleur de pierres, comme son père,

  • Antoine, son aîné de 7 ans, : lui aussi sera tailleur de pierres,

  • Catherine, qui ne vivra qu’une année et Anne, son aînée de 3 ans : elle épousera un cultivateur d’Oberhaslach et ne survivra pas à la naissance de son 1er enfant

Viennent ensuite après lui :

  • Katarina, sa cadette de 2 ans, qui ne vivra qu’une seule année, suivie de Catherine, qui disparaîtra tout aussi vite,

  • Rosine, sa cadette de 6 ans,

  • Hubert, son cadet de 7 ans,

  • Joseph, son cadet de 10 ans,

  • et enfin Catherine, de 12 ans sa cadette.

Comme son père, Nicolas aurait pu devenir tailleur de pierres, mais il est devenu tailleur d’habits : comment un tel changement a pu s’opérer ? Pourquoi n’a t-il pas suivi la voie de son père, que s’est-il passé ?

Je ne suis pas allée très loin pour trouver la réponse : son grand-père maternel Florent TRENCK, natif de longue date d’Oberhaslach, était tisserand ; voilà donc une opportunité qui a dû séduire Nicolas. Mais pas facile à vivre pour son père, qui a vu l’un de ses fils choisir un autre métier que le sien….

A ses 20 ans, Nicolas part au service militaire obligatoire, qui en 1833, est d’une durée de 7 ans ; il y a déjà cinq années que Nicolas a perdu ses parents et qu’il est hébergé par son frère aîné Antoine :

Au bout de sept trop longues années, Nicolas revient « à la maison » ; il épouse alors Marie Anne KLEIN, dont la famille oberhaslachoise est installée depuis quelques générations.

Le couple vit dans une grande maison traditionnelle, en pierres du pays, mélange d'influences architecturales alsaciennes et vosgiennes. Il y élèvera ses enfants :

  • Edouard (1842 – 1923) qui ne quittera pas l’Alsace,

  • Emile ( 1844 – disparu), mon SOSA 16

  • Charles (1846 -?)

  • Charles (1848 - 1898)

  • Marie Catherine (1850 – 1879), décédée en couches d’un enfant mort-né

  • Florent (1854 – 1931)

  • Thérèse (1856 – 1856)

  • Et Louis (1858 – après 1931).

L'Alsace était une région en plein essor industriel, notamment dans le textile. Nicolas a vu son père et ses frères travailler la pierre, maîtrisant les outils et l’attention du détail, des compétences par ailleurs qui peuvent très bien être transférées à la couture et à la confection d'habits.

Car la couture est un mélange subtil de technique et de créativité. Être précis et ordonné garantit des finitions impeccables et des vêtements qui s'adaptent parfaitement. Quant à la créativité, elle permet de concevoir des pièces uniques qui reflètent une personnalité ou répondent à des besoins spécifiques. Tailleur de pierres est un métier physiquement exigeant et souvent dangereux. Le tailleur d’habits reste à domicile et « madame » s’attache aux délicates finitions.

Mais la vie d’un Alsacien n’a rien d’un long fleuve tranquille...

Ainsi, le tailleur d’hier devient bûcheron. Non pas par passion pour la hache ou les forêts profondes, mais parce qu’il faut bien vivre, nourrir les siens, tenir debout. Ses mains habiles qui cousaient des étoffes élégantes s’endurcissent au bois et à la corvée. Ce n’est pas un renoncement : c’est une preuve de résilience.

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L’année 1869 avait commencé sous un ciel prometteur. En juin, il avait dû marier rapidement son fils Emile dont la promise attendant un joyeux évènement ; en novembre la naissance de sa première petite-fille Marie Thérèse avait rempli la maison d’un bonheur discret mais profond, effaçant toutes les contrariétés des mois précédents. Une nouvelle génération venait de voir le jour, promesse d’avenir, prolongement des siens. Son épouse l’avait bercée avec des gestes pleins de tendresse, des gestes qu’il croyait oubliés depuis longtemps. Les rires du nourrisson, les regards émerveillés de l’enfant, tout cela lui avait réchauffé le cœur comme un feu doux au creux de l’hiver.

Mais les saisons ont tourné, et l’automne s’est montré cruel.
Quatre jours plus tard, sa douce et tendre compagne de toute une vie s’est éteinte : elle n’avait que 50 ans….

Sans éclat, sans drame, juste cette absence qui s’installe soudain comme un froid qu’on ne chasse pas. Elle était son ancrage, sa confidente, la mémoire de leurs années passées. Son départ a laissé un vide que rien ne saurait combler, pas même les rires d’un enfant.

Alors cette année 1869, il ne saurait la qualifier. Était-elle belle, parce qu’elle lui avait donné la joie d’être grand-père ? Ou terrible, parce qu’elle lui avait arraché l’amour de sa vie ? Peut-être était-elle simplement humaine — tissée d’espoir et de peine, de promesses et de pertes. Comme toutes les vies, au fond. Et pas le temps de se lamenter….

En 1870, la guerre éclate entre la France et la Prusse, marquant le début d’un conflit aussi bref que brutal. Très vite, l’armée prussienne, bien préparée et très déterminée, déferle sur le territoire français avec une puissance fulgurante, violente, affligeante. Après plusieurs défaites françaises, dont la cuisante capitulation de Sedan, la France s’incline. Le traité de Francfort, signé en 1871, scelle une douloureuse défaite : l’Alsace et une partie de la Lorraine sont annexées par l’Empire allemand. Vous avez bien lu « annexée » mais certains entendront « vendues »...

L’Alsace bascule sous domination allemande, et avec elle, des milliers de vies.
Dans les foyers alsaciens, ce ne sont pas seulement les frontières qui changent, ce sont aussi les cœurs qui se divisent, des fratries qui se déchirent. Une même famille se retrouve face à un choix impossible : rester sur la terre natale, désormais allemande, ou partir vers la France de l’Intérieur, quitte à tout abandonner.

Mes ascendants directs ont fait le choix de partir ; loin de moi l’idée de les juger mais je m’interroge sur les motivations. Quitter Oberhaslach signifie abandonner ses biens, ses terres et ses outils, ce qui représente un sacrifice financier énorme ; c’est aussi abandonner les tombes où leurs morts ont été déposés…. bien sûr, ils ont pu emporter quelques affaires, mais le plus gros est resté en raison de contraintes logistiques et financières trop importantes.

En 1871, Nicolas est l’aîné de la fratrie ; la plupart de ses frères et sœurs sont décédés ou bien mariés ; Rosine, trop rapidement veuve, restera à Oberhaslach avec ses deux enfants encore vivants ; le « petit » Joseph est déjà parti s’installer à Neufchateau, dans les Vosges, pour mener sa vie avec Marie Anne.

Autour du patriarche, les discussions sont animées : Nicolas écoute chacun de ses enfants et respecte leurs choix :

  • l’ainé Edouard, reste à Oberhaslach ; c’est un solide gaillard qui vient de prendre épouse et son fils a tout juste quelques mois ; profondément enraciné dans sa région, il ne quittera pas son village, faisant courir le risque d’une mort certaine à son fils Florent,

  • Emile, jeune marié à mon SOSA 17, ne discutera pas l’ordre paternel ; mais il perdra un fils alors âgé de 6 mois à l’issue d’un long voyage qui les mènera tous à Reims,

  • Charles, tout juste majeur, Florent 15 ans et Louis 13 ans seront également du voyage,

  • quant à Marie Catherine, 20 ans, elle prend le parti de son frère ainé ; elle épouse quelques années plus tard un oberhaslachois, pour mourir en couches d’un premier enfant né sans vie…..

Même s’il fut douloureux de partir, Nicolas a respecté le choix de tous : certains ont énoncé des incertitudes liées à cet exil, comme rechercher un nouvel emploi, aller vers l’inconnu et se faire accepter des autres, ou bien encore trouver un hébergement pour toute la famille, avec le souci de ne pas être séparés. Et qui allait s’occuper de leur maison lorsqu’ils seraient partis….

Nicolas a entendu les motivations des uns et des autres, ceux qui souhaitaient rester avec leur communauté, s’occuper des enfants ou des parents plus âgés.

Ceux qui sont partis voulaient conserver leur nationalité française, refusant de vivre sous le joug de la domination allemande. Même s’ils avaient conscience de la difficulté de l’entreprise, pour eux, partir était avant tout un acte de fidélité à la France.

Peut-être y a t-il eu des éclats de voix, des échanges un peu vigoureux, mais Nicolas se souvient surtout des silences lourds, des absences qui pèsent aux repas de famille, des souvenirs partagés devenus source de malaise. Chacun a ses raisons, chacune légitime, mais incompatibles. Ainsi, au-delà des lignes de front, la guerre a laissé une cicatrice invisible : celle des familles divisées non par la haine, mais par des choix douloureux dictés par l’Histoire.

Du jour au lendemain, les Oberhaslachois deviennent sujets d’un empire auquel ils n’ont jamais prêté allégeance. Ceux qui font le choix déchirant de l’exil quittent leurs terres, leurs maisons, et parfois même leurs racines, pour s’installer dans d’autres régions de France, avec l’espoir de préserver leur langue, leur culture, et leur liberté.

Nicolas doit composer avec une nouvelle réalité. Il faut s’adapter, se réinventer. Le savoir-faire, l’identité, les rêves – tout cela doit parfois être mis de côté pour répondre à l’urgence la plus simple : survivre. Car n’oublions pas, derrière chaque Alsacien exilé ou resté, il y a une histoire de compromis, d’efforts silencieux et d’adaptations forcées. Car si l’on ne choisit pas toujours son destin, on peut choisir de l’affronter avec courage.

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Nous sommes en 1872 lorsque toute la famille arrive à Reims, rue du Mont d’Arène. Sur son lit de mort, Nicolas avait promis à sa femme Marie Anne de veiller sur les enfants. Il a tenu sa promesse, mais pour combien de temps encore….
A 59 ans, le 23 septembre 1872, il opte pour la nationalité française, mais il porte en lui une blessure profonde, presque une plaie ouverte. Séparé de sa terre natale, il a vu s’évanouir les paysages de son enfance – les collines douces, la forêt mystérieuse et ses géants, les villages aux toits pentus –, mais surtout les visages familiers, les traditions familiales et la langue dialectale qui berçaient son quotidien. Ici, à Reims, il n’est qu’un étranger…..

L’Alsace, pour lui, n’est plus une région, c’est un foyer intérieur, un lieu de l’âme dont il se sent irrémédiablement privé. Il a tenté de recréer ailleurs des « bouts » d’Alsace – organiser des repas à base de choucroute ou de baeckeoffe, transmettre quelques mots d’alsacien à ses enfants, ou bien des chants populaires autour d’un verre de bière dorée mais son héritage peine à trouver preneurs. À mesure que les années passent, le deuil ne s’apaise pas : au contraire, la douleur s’installe, tenace, et colore chacun de ses jours d’une légère teinte de mélancolie.

Les jeunes de Reims, tournés vers la modernité et les promesses d’un avenir francophone unifié, voient dans son dialecte un vestige désuet : trop compliqué à apprendre, trop éloigné de la nouvelle identité française qu’ils forgent. Ses récits de veillées au coin du feu, où l’on parlait de lutins et de légendes vosgiennes, n’allument plus la curiosité dans leurs yeux, qui cherchent avant tout à s’inscrire dans le grand courant national.

À force de constater ce désintérêt, il s’est senti dépossédé, comme si le fil qui le retient à sa terre natale se distendait. Pourtant, chaque mot d’alsacien qu’il prononce reste pour lui un lien sacré, chaque recette qu’il partage est un fragment de soi. Mais dans la ruelle rémoise, son accent fier et ses gestes traditionnels finissent par se fondre dans l’anonymat, et son exil se révèle double : non seulement la perte de sa patrie, mais aussi la réticence des jeunes à perpétuer ce qui, pour eux, appartient désormais au passé.

Nicolas n’a jamais pu tourner la page ; son exil n’a pas seulement déplacé son adresse ; il a arraché une part de son identité. Et tant qu’il n’aura pas fait la paix intérieure avec ce pays perdu, il continuera de vivre avec ce regret lancinant, comme un écho immuable du passé. Bien sûr, il est reparti quelquefois à Oberhaslach, mais à chaque fois, il a dû revenir, car il est désormais français.

En ce jour d’octobre 1882, Nicolas repose, immobile, au fond d’un lit de l’hospice de Reims. Autour de lui, les râles et les quintes de toux des autres pensionnaires résonnent dans les couloirs ; comment est-il arrivé là, dans ce lieu sinistre et misérable…

À l’orée de sa fin de vie, il laisse errer ses pensées vers le passé, ressassant les souvenirs de sa décision d’exil. Ce choix, jadis imposé par les tourments de la vie, l’a conduit à côtoyer la misère et à éprouver la pesanteur de la solitude.

Il ne sait plus très bien si ce sont ses larmes qui voilent sa vue ou les gouttes de pluie qui glissent le long des vitres. La nuit tombe, enveloppée de brume, et dans le flou du crépuscule, il croit entrevoir le doux visage de sa tendre Marie Anne.

Il n’a plus la force de se lever. Il sourit à l’idée, qu’une fois encore, il ne touchera pas à son repas. Mais à quoi bon….

Il sent la fin approcher. Plus rien ne le retient ici d’ailleurs. Mais il est en paix : il a tenu la promesse faite à la mère de ses enfants. Ils ont grandi, trouvé leur place dans le monde, travaillé, bâti leur propre foyer. Tout est bien pour le meilleur des mondes. Il est temps, à présent, de rentrer à la maison.

Nicolas est parti dans la nuit du 23 octobre 1882, sans faire de bruit.


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Pour en savoir plus :

Quand l’Alsace est-elle devenue française ? Histoire et dates clés de son rattachement à la France (Tourisme Nord Alsace)

Alexis Keller : les Alsaciens en Algérie entre 1830 et 1870 - Archives dela ville et de l'Eurométropole de Strasbourg

Registres de contrôles de troupes et registres matricules - Rechercher dansles instruments de recherche - Mémoire des hommes

La rue du Mont-d’Arène – ReimsAvant

L’exil des Alsaciens-Lorrains. Option et famille dans les années 1870 |Cairn.info

L’émigration des Alsaciens suite à la guerre de 1870/71 — Hopla net