Ce petit roman nous plonge dans les heures sombres de la Seconde Guerre mondiale à travers les yeux de Joseph, un jeune garçon juif de sept ans.
Joseph Bernstein est confié à des inconnus pour échapper aux rafles nazies. Caché dans un orphelinat catholique dirigé par le Père Pons, un homme bienveillant et érudit, l’enfant doit renier son identité, apprendre à mentir, et taire ses origines juives. Le Père Pons, tout en le protégeant, lui transmet des valeurs de tolérance, de foi et d’humanité ; curieux, sensible, en quête de repères dans un monde bouleversé, le jeune Joseph apprend vite au contact du curé et évolue entre peur, découverte et spiritualité.
Avec une écriture sensible et poétique, l’auteur Schmitt nous offre une réflexion profonde sur la nature humaine, la tolérance, et la résilience face à la barbarie, « démontrant qu’aucun sujet n’est tabou : ce sont les hommes qui les rendent ainsi. »
Ce roman ne se contente pas simplement de raconter une histoire : il invite à une profonde réflexion sur l’humanité, la spiritualité et la mémoire. Ce livre est précieux à plus d’un titre et malheureusement, toujours d’actualité….
Il est porteur de valeurs universelles comme la tolérance, le respect des différences, la solidarité. Il questionne la quête de sens. Il évoque la perte d’identité et la nécessité de reconstruire ses racines, ce qui fait écho au travail de reconstitution familiale.
Ce livre touche autant le cœur que l’esprit et nous rappelle que, même dans les pires moments de l’Histoire, des actes de courage et d’amour peuvent illuminer les ténèbres.
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Même si ce roman n’est pas un ouvrage de généalogie à proprement parler, il offre plusieurs pistes de réflexion précieuses pour celles et ceux qui s’intéressent à la transmission familiale et à la mémoire des origines.
Car il existe plusieurs grilles de lecture :
Une lecture historique et réaliste puisque le roman s’inscrit dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, avec la persécution des Juifs, les réseaux de résistance, les enfants cachés, les Justes parmi les Nations, et les difficultés de survie sous l’Occupation
Une lecture symbolique et philosophique puisque le titre même, L’Enfant de Noé, renvoie à l’Arche de Noé, symbole de sauvegarde de l’humanité ; le Père Pons est présenté comme une figure de transmission spirituelle, de tolérance interreligieuse, et de résistance morale.
Mais une troisième grille de lecture m’apparaît comme une évidence pour la généalogiste amatrice que je suis, celle de la mémoire familiale et de la reconstruction des filiations.
Le récit montre comment les enfants cachés ont souvent perdu tout lien avec leur famille d’origine, ce qui représente un défi majeur pour les recherches généalogiques.
Le roman se déroule pendant la Shoah, une période où de nombreuses archives ont été détruites ou falsifiées, rendant les recherches généalogiques complexes ( adoptions, noms changés, filiations effacées) ; et pourtant, la sauvegarde de la trace des disparus, la reconstitution des filiations parfois brisées par les conflits sont cruciales.
Séparé de ses parents, Joseph ne connaît ni leur sort ni leur histoire ; le récit devient alors une quête identitaire ; cette absence de filiation biologique pousse l’enfant à reconstruire une filiation symbolique à travers une figure paternelle de substitution, le Père Pons ; le prêtre par ailleurs ne se contente pas de sauver des vies : il préserve la mémoire juive en collectant des objets rituels, des textes, des symboles, comme un « acte de mémoire » pour les générations futures — une démarche proche de celle du généalogiste qui cherche à préserver les traces du passé.
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L’Enfant de Noé nous rappelle que derrière chaque acte généalogique, il y a un hommage aux oubliés, une lutte contre l’effacement. Pour un généalogiste, ce roman est une ode à l’engagement, à la patience et à l’amour du détail — car chaque petite trace retrouvée peut redonner vie à un monde perdu.
Ce roman est une source d’inspiration humaine et historique : même s’il y a une histoire douloureuse, bouleversante, difficile à écrire, elle est toujours digne d’être racontée.
A lire et à relire, pour ne jamais oublier….